La libera circolazione dei lavoratori all'interno dell'Unione Europea è un principio fondamentale e non può essere ostacolata dalla normativa in materia di sportive.
Lo ha stabilito la Corte di giustizia europea, nella sua recente sentenza del 4 ottobre 2024 (nella causa C-650/22), esaminando alcune regole della FIFA sui trasferimenti dei calciatori.
Nel caso di specie, in ex calciatore professionista, stabilito in Francia, ha contestato alcune disposizioni del Regolamento sullo status e i trasferimenti dei calciatori (RSTI) della FIFA davanti ai giudici belgi. Secondo il giocatore, queste norme hanno impedito il suo trasferimento a un club belga, violando il suo diritto alla libera circolazione all'interno dell'UE.
Queste regole si applicano ai casi in cui un calciatore risolve il proprio contratto senza una "giusta causa" prima della sua scadenza naturale. In tali situazioni, il giocatore e il club che intende ingaggiarlo sono responsabili solidalmente di un'indennità da pagare al club di provenienza. Inoltre, il nuovo club potrebbe subire una sanzione sportiva come il divieto di tesserare nuovi giocatori per un periodo limitato. Il club di provenienza può, inoltre, bloccare il rilascio del certificato internazionale di trasferimento finché la controversia non viene risolta.
La cour d'appel de Mons ha sollevato dubbi sulla compatibilità di queste norme con la libertà di circolazione dei lavoratori e con le norme sulla concorrenza all'interno dell'Unione Europea.
La Corte di giustizia ha dichiarato che le norme contestate sono in contrasto con il diritto dell'Unione.
In primo luogo, tali norme ostacolano la libera circolazione dei calciatori che desiderano trasferirsi in un altro Stato membro. I rischi finanziari, giuridici e sportivi che gravano sui giocatori e sui club che li ingaggiano rappresentano un freno significativo ai trasferimenti internazionali. Sebbene alcune restrizioni possano essere giustificate per garantire la stabilità dei club e la regolarità delle competizioni, la Corte ha ritenuto che, nel caso specifico, le norme FIFA vadano oltre quanto necessario per perseguire tali obiettivi.
Per quanto riguarda la concorrenza, la Corte ha evidenziato che queste regole limitano la competizione tra club, impedendo il reclutamento di calciatori già sotto contratto o che abbiano risolto il contratto senza giusta causa. Questo comportamento è assimilabile a un accordo di non sollecitazione, con un impatto negativo sulla concorrenza transfrontaliera tra i club europei.
La Corte quindi onclude che le norme FIFA relative ai trasferimenti dei calciatori, sebbene mirino a tutelare la stabilità dei club e la regolarità delle competizioni, violano i principi di libera circolazione dei lavoratori e di concorrenza sanciti dal diritto dell'Unione.
Cour de justice de l'Union européenne
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
4 octobre 2024
« Renvoi préjudiciel – Marché intérieur – Concurrence – Réglementation instituée par une association sportive internationale et mise en œuvre par celle-ci avec le concours de ses membres – Football professionnel – Entités de droit privé investies de pouvoirs de réglementation, de contrôle et de sanction – Réglementation relative au statut et au transfert des joueurs – Règles relatives aux contrats de travail conclus entre des clubs et des joueurs – Rupture anticipée d’un contrat de travail par le joueur – Indemnité imposée au joueur – Responsabilité solidaire et conjointe du nouveau club – Sanctions – Interdiction de délivrer le certificat international de transfert du joueur et de l’enregistrer tant qu’un litige lié à la rupture anticipée du contrat de travail est pendant – Interdiction d’enregistrer d’autres joueurs – Article 45 TFUE – Entrave à la liberté de circulation des travailleurs – Justification – Article 101 TFUE – Décision d’une association d’entreprises ayant pour objet d’empêcher ou de restreindre la concurrence – Marché du travail – Recrutement des joueurs par les clubs – Marché des compétitions de football interclubs – Participation des clubs et des joueurs aux compétitions sportives – Restriction de la concurrence par objet – Exemption »
Dans l’affaire C-650/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour d’appel de Mons (Belgique), par décision du 19 septembre 2022, parvenue à la Cour le 17 octobre 2022, dans la procédure
Fédération internationale de football association (FIFA)
contre
BZ,
en présence de :
Union royale belge des sociétés de football association ASBL (URBSFA),
Sporting du Pays de Charleroi SA,
Fédération internationale des footballeurs professionnels,
Fédération internationale des footballeurs professionnels – Division Europe,
Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP),
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. F. Biltgen, N. Wahl, J. Passer (rapporteur) et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : M. C. Di Bella, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 janvier 2024,
considérant les observations présentées :
– pour la Fédération internationale de football association (FIFA), par Me A. Laes, avocat, et Me D. Van Liedekerke, advocaat,
– pour BZ, par Mes J-E. Barthélemy, J.-L. Dupont, P. Henry, M. Hissel et F. Stockart, avocats,
– pour l’Union royale belge des sociétés de football association ASBL (URBSFA), par Mes N. Cariat, E. Matthys et A. Stévenart, avocats,
– pour la Fédération internationale des footballeurs professionnels, par Mes C. De Preter et P. Paepe, avocats,
– pour la Fédération internationale des footballeurs professionnels – Division Europe, par Mes J-E. Barthélemy, C. De Preter et P. Paepe, avocats,
– pour l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), par Mes C. De Preter, P. Paepe et R. Palao, avocats,
– pour le gouvernement hellénique, par M. K. Boskovits et Mme C. Kokkosi, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement français, par MM. R. Bénard et V. Depenne, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. D. Del Gaizo et S. L. Vitale, avvocati dello Stato,
– pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér, Mmes E. Gyarmati et K. Szíjjártó, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. S. Baches Opi, T. Baumé, B.-R. Killmann et G. Meessen, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 avril 2024,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 45 et 101 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Fédération internationale de football association (FIFA) à BZ au sujet d’une demande de celui-ci tendant à l’indemnisation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait du comportement fautif de la FIFA et de l’Union royale belge des sociétés de football association ASBL (URBSFA).
I. Le cadre juridique
A. Les statuts de la FIFA
3 La FIFA est une association de droit privé qui a son siège en Suisse. Selon l’article 2 de ses statuts, dans leur édition du mois de septembre 2020, elle a pour buts, notamment, « d’établir des règles et des dispositions régissant le football et les questions y afférentes, et de veiller à les faire respecter », ainsi que « de contrôler le football sous toutes ses formes par l’adoption de toutes les mesures s’avérant nécessaires ou recommandables afin de prévenir la violation des [s]tatuts, des règlements, des décisions de la FIFA et des [l]ois du [j]eu ».
4 Conformément aux articles 11 et 14 des statuts de la FIFA, toute « association responsable de l’organisation et du contrôle du football » dans un pays donné peut devenir membre de la FIFA à condition, notamment, d’être déjà membre d’une des six confédérations continentales reconnues par la FIFA et visées à l’article 22 de ces statuts, parmi lesquelles figure l’Union des associations européennes de football (UEFA), ainsi que de s’engager au préalable à se conformer tant aux statuts, aux règlements, aux directives et aux décisions de la FIFA qu’à ceux de la confédération continentale dont cette association est déjà membre. En pratique, plus de 200 associations nationales de football sont actuellement membres de la FIFA. En cette qualité, elles ont, en vertu des articles 14 et 15 des statuts de la FIFA, l’obligation, notamment, d’amener leurs propres membres ou affiliés à respecter les statuts, les règlements, les directives et les décisions de la FIFA, ainsi que de faire observer ceux-ci par l’ensemble des acteurs du football, en particulier par les ligues professionnelles, les clubs et les joueurs.
5 Parmi les membres de la FIFA et de l’UEFA figure l’URBSFA, qui a son siège en Belgique et dont l’objet est, notamment, d’assurer l’organisation et la promotion du football dans cet État membre. En vertu de ses propres statuts, cette association s’engage à se conformer aux statuts, aux règlements et aux décisions de la FIFA et de l’UEFA, ainsi qu’à les faire respecter par ses membres, « sous réserve des principes généraux de droit, des dispositions d’ordre public et des législations impératives nationales, régionales et communautaires en la matière ».
B. La réglementation de la FIFA relative au statut et au transfert des joueurs
6 Le 22 mars 2014, la FIFA a adopté le « Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs » (ci-après le « RSTJ »), qui est entré en vigueur le 1er août suivant, en remplacement d’un règlement antérieur ayant le même objet.
7 La partie introductive du RSTJ, intitulée « Définitions », contient le passage suivant :
« Pour l’interprétation du présent règlement, les termes ci-dessous sont définis comme suit :
1. Ancienne association : l’association à laquelle l’ancien club est affilié.
2. Ancien club : le club que le joueur quitte.
3. Nouvelle association : l’association à laquelle le nouveau club est affilié.
4. Nouveau club : le club que le joueur rejoint.
[...]
6. Football organisé : le football organisé sous l’égide de la FIFA, des confédérations et des associations, ou autorisé par celles-ci.
7. Période protégée : période de trois saisons entières ou de trois ans – la période dont le terme survient en premier étant retenue – suivant l’entrée en vigueur d’un contrat, si le contrat en question a été conclu avant le 28ème anniversaire du joueur professionnel, ou une période de deux saisons entières ou de deux ans – la période dont le terme survient en premier étant retenue – suivant l’entrée en vigueur d’un contrat si le contrat en question a été conclu après le 28ème anniversaire du joueur professionnel.
[...]
9. Saison : période débutant lors du premier match officiel du championnat national et se terminant lors du dernier match officiel du championnat national.
[...] »
8 L’article 1er du RSTJ, intitulé « Champ d’application », énonce, à son paragraphe 1 :
« Le présent règlement établit des règles universelles et contraignantes concernant le statut des joueurs et leur qualification pour participer au football organisé, ainsi que leur transfert entre des clubs appartenant à différentes associations. »
9 L’article 2 du RSTJ, intitulé « Statut du joueur : joueurs amateurs et joueurs professionnels », est rédigé comme suit :
« 1. Les joueurs participant au football organisé sont soit amateurs, soit professionnels.
2. Est considéré comme joueur professionnel tout joueur ayant un contrat écrit avec un club et qui perçoit, pour son activité footballistique, une rétribution supérieure au montant des frais effectifs qu’il encourt. Tous les autres joueurs sont considérés comme amateurs. »
10 L’article 5 du RSTJ, intitulé « Enregistrement », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Un joueur doit être enregistré auprès d’une association pour jouer avec un club soit en tant que professionnel soit en tant qu’amateur, conformément aux dispositions de l’article 2. Seuls les joueurs enregistrés sont qualifiés pour participer au football organisé. L’enregistrement d’un joueur implique son acceptation de se conformer aux Statuts et à la réglementation de la FIFA, des confédérations et des associations. »
11 L’article 6 du RSTJ, intitulé « Périodes d’enregistrement », dispose, à son paragraphe 1, première phrase, qu’« [u]n joueur ne peut être enregistré qu’au cours de l’une des deux périodes d’enregistrement annuelles fixées à cette fin par l’association concernée ».
12 Le RSTJ comprend en outre, notamment, des règles relatives aux contrats de travail conclus entre un joueur et un club ainsi que des règles relatives aux transferts de joueurs.
1. Les règles relatives aux contrats de travail
13 En vertu de l’article 13 du RSTJ, intitulé « Respect des contrats » :
« Un contrat entre un joueur professionnel et un club peut prendre fin uniquement à son échéance ou d’un commun accord. »
14 Aux termes de l’article 14 du RSTJ, intitulé « Rupture de contrat pour juste cause » :
« En présence d’un cas de juste cause, un contrat peut être résilié par l’une ou l’autre des parties sans entraîner de conséquences (ni paiement d’indemnités, ni sanctions sportives). »
15 Selon l’article 16 du RSTJ, intitulé « Interdiction de résiliation de contrat en cours de saison » :
« Un contrat ne peut être résilié unilatéralement en cours de saison. »
16 L’article 17 du RSTJ, intitulé « Conséquences d’une rupture de contrat sans juste cause », prévoit :
« Les dispositions suivantes s’appliquent lorsqu’un contrat est résilié sans juste cause :
1. Dans tous les cas, la partie ayant rompu le contrat est tenue de payer une indemnité. Sous réserve des dispositions de l’article 20 et de l’annexe 4 concernant les indemnités de formation et si rien n’est prévu par le contrat, l’indemnité pour rupture de contrat est calculée en tenant compte du droit en vigueur dans le pays concerné, des spécificités du sport et de tout autre critère objectif. Ces critères comprennent notamment la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat en cours et/ou du nouveau contrat, la durée restante du contrat en cours jusqu’à cinq ans au plus, les frais et dépenses occasionnés ou payés par l’ancien club (amortis sur la période contractuelle) de même que la question de savoir si la rupture intervient pendant une période protégée.
2. Le droit à une telle indemnité ne peut être cédé à un tiers. Si un joueur professionnel est tenu de payer une indemnité, le joueur professionnel et son nouveau club seront solidairement et conjointement responsables du paiement de celle-ci. Le montant peut être stipulé dans le contrat ou être convenu entre les parties.
[...]
4. En plus de l’obligation de payer une indemnité, des sanctions sportives seront prononcées à l’encontre de tout club convaincu de rupture de contrat ou d’incitation à rompre un contrat durant la période protégée. Un club qui signe un contrat avec un joueur professionnel ayant rompu son ancien contrat sans juste cause est présumé, jusqu’à preuve du contraire, avoir incité ce joueur professionnel à une rupture du contrat. La sanction se traduit par une interdiction pour le club d’enregistrer de nouveaux joueurs, à l’échelle nationale ou internationale, pendant deux périodes d’enregistrement complètes et consécutives. Le club ne pourra enregistrer de nouveaux joueurs, à l’échelle nationale ou internationale, qu’à partir de la prochaine période d’enregistrement survenant après que la sanction sportive en question aura été entièrement purgée. En particulier, il ne pourra pas faire usage de l’exception ni des mesures provisoires prévues [par le] présent règlement pour enregistrer des joueurs avant cette période. »
17 L’article 22 du RSTJ, intitulé « Compétence de la FIFA », énonce :
« Sans préjudice du droit de tout joueur ou club à demander réparation devant un tribunal civil pour des litiges relatifs au travail, la compétence de la FIFA s’étend :
a) aux litiges entre clubs et joueurs relatifs au maintien de la stabilité contractuelle (articles 13-18) s’il y a eu demande de [certificat international de transfert (CIT)] et s’il y a réclamation d’une partie en relation avec cette demande de CIT, notamment au sujet de son émission, de sanctions sportives ou d’indemnités pour rupture de contrat ;
[...] »
18 L’article 24 du RSTJ, intitulé « Chambre de Résolution des Litiges », dispose, à son paragraphe 1 :
« La Chambre de Résolution des Litiges (CRL) est habilitée à trancher tout litige visé à l’[article 22, sous a), b) et e),] à l’exception des litiges concernant l’émission d’un CIT. »
2. Les règles relatives aux transferts
19 L’article 9 du RSTJ, intitulé « Certificat International de Transfert », énonce, à son paragraphe 1 :
« Un joueur enregistré auprès d’une association ne peut être enregistré auprès d’une nouvelle association que lorsque celle-ci a reçu un [CIT] établi par l’ancienne association. Le CIT est à délivrer sans condition, gratuitement et sans limite temporelle. Toute disposition contraire serait nulle et non avenue. L’association qui délivre le CIT est tenue d’en soumettre une copie à la FIFA. La procédure administrative de délivrance du CIT est décrite dans l’[article] 8 de l’annexe 3 [...] du présent règlement. »
20 L’annexe 3 du RSTJ, intitulée « Système de régulation des transferts », comporte notamment un article 8 consacré à la « Procédure administrative pour le transfert de joueurs professionnels entre associations », qui dispose :
« 8.1 Principes
1. Tout joueur professionnel enregistré auprès d’un club affilié à une association ne peut être enregistré auprès d’un club affilié à une autre association qu’après qu’un CIT ait été délivré par l’ancienne association et que la nouvelle association a accusé réception dudit CIT. [...]
[...]
8.2 Création d’un CIT pour un joueur professionnel
[...]
3. Dès réception de la demande de CIT, l’ancienne association doit demander à l’ancien club et au joueur professionnel de préciser si le contrat a expiré, s’il a été résilié prématurément d’un commun accord ou si les deux parties sont opposées par un litige contractuel.
4. Dans un délai de sept jours à compter de la date de la demande de CIT, l’ancienne association devra [...] :
a) délivrer le CIT en faveur de la nouvelle association et saisir la date de désinscription du joueur ; ou
b) rejeter la demande de CIT et indiquer [...] la raison du refus, qui peut être soit le fait que le contrat entre l’ancien club et le joueur professionnel n’a pas expiré, soit qu’il n’y a pas eu d’accord mutuel concernant une résiliation prématurée du contrat.
[...]
7. L’ancienne association ne délivrera pas de CIT si l’ancien club et le joueur professionnel sont opposés par un litige contractuel sur la base des circonstances stipulées à l’[article] 8.2, [alinéa] 4b de la présente annexe. Dans ce cas, sur demande de la nouvelle association, la FIFA peut prendre des mesures provisoires en cas de circonstances exceptionnelles. [...] Par ailleurs, le joueur professionnel, l’ancien club et/ou le nouveau club pourront engager une action devant la FIFA, conformément à l’[article] 22. La FIFA statuera alors sur l’établissement du CIT et sur d’éventuelles sanctions sportives dans un délai de soixante jours. Dans tous les cas, la décision prise quant aux sanctions sportives doit être prise avant la délivrance du CIT. La délivrance du CIT ne portera pas préjudice au droit à l’indemnité pour rupture de contrat. »
II. Le litige au principal et la question préjudicielle
21 BZ est un ancien joueur de football professionnel qui réside à Paris (France).
22 Le 20 août 2013, il a signé un contrat de travail d’une durée de quatre années avec le Futbolny Klub Lokomotiv, également connu sous le nom de Lokomotiv Moscou, qui est un club de football professionnel établi en Russie.
23 Le 22 août 2014, le Lokomotiv Moscou a résilié ce contrat pour des motifs liés, selon lui, au comportement de BZ. Le 15 septembre 2014, ce club a saisi la CRL, sur le fondement de l’article 22, sous a), et de l’article 24 du RSTJ, d’une demande tendant à la condamnation de BZ au paiement d’une indemnité de 20 millions d’euros, en invoquant l’existence d’une « rupture de contrat sans juste cause » au sens de l’article 17 du RSTJ. Ultérieurement, BZ a présenté à la CRL une demande reconventionnelle tendant à la condamnation du Lokomotiv Moscou à lui payer des arriérés de salaires ainsi qu’une indemnité égale au montant de la rémunération qui lui aurait été due en vertu dudit contrat si celui-ci avait couru jusqu’à son terme.
24 BZ indique avoir cherché, par la suite, un nouveau club de football professionnel susceptible de l’engager. Il précise avoir été confronté, dans le cadre de cette recherche, aux difficultés engendrées par le risque, pesant sur tout club susceptible de l’engager, d’être solidairement et conjointement responsable du paiement de l’indemnité qu’il pourrait se trouver tenu de payer au Lokomotiv Moscou, en vertu de l’article 17 du RSTJ.
25 Par lettre du 19 février 2015, le Sporting du Pays de Charleroi SA, qui est un club de football professionnel établi en Belgique, a proposé à BZ de l’engager, tout en stipulant que cet engagement était soumis à deux conditions suspensives à caractère cumulatif consistant, la première, à ce que celui-ci soit enregistré et qualifié régulièrement au sein de l’équipe première de ce club afin de participer à toute compétition organisée par la FIFA, l’UEFA et l’URBSFA pour laquelle il serait sélectionné et, la seconde, à ce que ledit club obtienne la confirmation écrite et inconditionnelle qu’il ne pourrait être tenu solidairement et conjointement au paiement de toute indemnité dont BZ serait éventuellement redevable envers le Lokomotiv Moscou.
26 Par lettre du 20 février 2015, BZ s’est adressé à la FIFA et à l’URBSFA en vue d’obtenir l’assurance, d’une part, qu’il pourrait être enregistré et qualifié régulièrement pour jouer au sein de l’équipe première du Sporting du Pays de Charleroi et, d’autre part, que l’article 17 du RSTJ ne serait pas appliqué à ce club. La FIFA lui a répondu que seul son organe décisionnaire compétent avait le pouvoir de faire application du RSTJ. Pour sa part, l’URBSFA lui a répondu que, conformément aux règles édictées par la FIFA, son enregistrement ne pourrait intervenir tant qu’un CIT n’aurait pas été émis par le Lokomotiv Moscou.
27 Par une décision du 18 mai 2015, la CRL a, premièrement, accueilli partiellement la demande du Lokomotiv Moscou et condamné BZ à payer à celui-ci une indemnité de 10,5 millions d’euros. Deuxièmement, elle a rejeté la demande reconventionnelle de BZ. Troisièmement, elle a déclaré que l’article 17, point 2, du RSTJ ne s’appliquerait pas à BZ pour l’avenir.
28 Saisi d’un recours par BZ, le Tribunal arbitral du sport (ci-après le « TAS »), organe ayant son siège à Lausanne (Suisse), a confirmé cette décision le 27 mai 2016.
29 Le 24 juillet 2015, BZ a été engagé par un autre club de football professionnel, établi en France.
30 Le 9 décembre 2015, BZ a saisi le tribunal de commerce du Hainaut (division de Charleroi) (Belgique) d’une demande tendant à la condamnation de la FIFA et de l’URBSFA à lui payer une indemnité de 6 millions d’euros, en réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait du comportement fautif de ces deux associations.
31 Par un jugement du 19 janvier 2017, cette juridiction s’est déclarée compétente pour connaître de la demande de BZ et l’a déclarée fondée dans son principe. Elle a condamné in solidum la FIFA et l’URBSFA à payer une somme provisionnelle à BZ, tout en renvoyant, pour le surplus, le litige au rôle afin de permettre aux parties de mettre en état la question de la détermination du montant du préjudice subi par BZ en Belgique du fait du comportement fautif de ces deux associations.
32 La FIFA a interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Mons (Belgique), qui est la juridiction de renvoi. Elle demande pour l’essentiel à cette juridiction, à titre principal, de se déclarer incompétente pour connaître de la demande de BZ au motif que celle-ci relève de la compétence exclusive du TAS ou, à tout le moins, que cette demande ne relève pas de la compétence internationale des juridictions belges. À titre subsidiaire, la FIFA demande à la juridiction de renvoi de déclarer ladite demande irrecevable ou, à défaut, non fondée.
33 L’URBSFA, qui a été appelée à la procédure, présente des conclusions analogues.
34 Le Sporting du Pays de Charleroi, qui a présenté une requête en intervention volontaire devant la juridiction de renvoi, soutient les conclusions de la FIFA et de l’URBSFA.
35 Pour sa part, BZ, qui a formé un appel incident, conclut pour l’essentiel à ce que la juridiction de renvoi, d’une part, dise pour droit que l’article 17 du RSTJ, l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement et l’article 8.2.7 de l’annexe 3 dudit règlement violent les articles 45 et 101 TFUE, et, d’autre part, condamne solidairement la FIFA et l’URBSFA à réparer le préjudice qu’il a subi du fait de l’existence ainsi que de la mise en œuvre de ces règles.
36 Dans sa décision de renvoi, la cour d’appel de Mons, après avoir jugé recevables tant l’appel de la FIFA que la requête en intervention volontaire du Sporting du Pays de Charleroi, estime, en premier lieu, que le tribunal de commerce du Hainaut (division de Charleroi) s’est, à bon droit, déclaré compétent pour se prononcer sur la demande de BZ en tant que celle-ci porte sur l’indemnisation du préjudice subi par ce dernier en Belgique.
37 À cet égard, la juridiction de renvoi estime, tout d’abord, que cette demande ne peut être regardée comme relevant de la compétence exclusive du TAS en vertu d’une convention d’arbitrage répondant aux conditions de validité requises en vertu du droit belge, compte tenu du caractère général, indifférencié et imprécis des stipulations des statuts de la FIFA auxquelles cette association se réfère en vue d’établir l’existence d’une telle convention en l’occurrence.
38 Ensuite, la juridiction de renvoi considère que ladite demande relevait effectivement de la compétence internationale de la juridiction de première instance en ce qu’elle concerne tant l’URBSFA que la FIFA. En effet, s’agissant de l’URBSFA, cette compétence serait avérée, puisque le siège de cette association est établi en Belgique et que BZ invoque l’existence d’un préjudice survenu à Charleroi, lieu où il n’a pu exercer son activité de joueur de football professionnel en dépit de la proposition d’engagement qui lui avait été adressée par le Sporting du Pays de Charleroi. De même, pour ce qui est de la FIFA, une telle compétence serait avérée, en dépit du fait que le siège de cette association est établi en Suisse, puisque BZ met en cause la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle de celle-ci, que le fait dommageable qu’il invoque s’est matérialisé à Charleroi (Belgique) et qu’il existe un lien de rattachement particulièrement étroit entre la contestation opposant les parties à ce sujet et ladite juridiction. Cela étant, le choix de BZ de saisir le tribunal de commerce du Hainaut (division de Charleroi) aurait pour conséquence que la compétence de ce tribunal se limite au préjudice que l’intéressé a pu subir en Belgique.
39 Enfin, la juridiction de renvoi juge que la FIFA et l’URBSFA ne sont pas fondées à alléguer l’existence d’une « fraude à la compétence », tenant à la circonstance que BZ aurait artificiellement créé un contentieux en Belgique en obtenant, au moyen de manœuvres dolosives, une proposition d’engagement fictive de la part du Sporting du Pays de Charleroi. À cet égard, elle considère qu’il est prouvé, premièrement, que BZ a effectué des démarches visant à se faire engager par plusieurs clubs établis dans différents États membres de l’Union et qui, selon la presse, avaient manifesté un intérêt à son égard, deuxièmement, que le Sporting du Pays de Charleroi a pris l’initiative unilatérale de lui proposer de l’engager, troisièmement, que BZ a immédiatement procédé aux diligences nécessaires pour s’assurer du respect des conditions suspensives stipulées dans cette proposition et, quatrièmement, qu’il n’était pas déraisonnable pour celui-ci de chercher à donner suite à une telle proposition, qui était la seule dont il disposait alors pour pouvoir poursuivre sa carrière professionnelle en dépit du litige l’opposant au Lokomotiv Moscou ainsi que pour limiter le préjudice découlant de l’interruption de son activité économique depuis plusieurs mois.
40 En deuxième lieu, la cour d’appel de Mons considère que la demande de BZ est recevable, celui-ci justifiant à suffisance de droit d’un intérêt à agir, en qualité de titulaire d’un droit subjectif estimant avoir subi un préjudice du fait du comportement fautif de la FIFA et de l’URBSFA.
41 En troisième et dernier lieu, la juridiction de renvoi expose que le litige au principal nécessite de trancher la question de savoir si le préjudice que BZ estime avoir subi, en étant empêché d’exercer son activité de joueur de football professionnel pendant la saison 2014/2015, trouve sa cause dans un comportement fautif de la FIFA et de l’URBSFA, consistant à avoir mis en œuvre à son égard des règles violant les articles 45 et 101 TFUE, à savoir l’article 17 du RSTJ, l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement et l’article 8.2.7 de l’annexe 3 dudit règlement.
42 À ce propos, cette juridiction relève, d’une part, que, selon BZ, lesdites règles doivent être considérées, à la lumière de l’arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, EU:C:1995:463), comme entravant à la fois la liberté de circulation des travailleurs et la concurrence. En effet, la règle figurant à l’article 17, point 2, du RSTJ, selon laquelle tout nouveau club de football professionnel qui engage un joueur à la suite d’une rupture de contrat de travail intervenue sans juste cause est solidairement et conjointement responsable du paiement de l’indemnité dont ce joueur peut être tenu de s’acquitter envers son ancien club, entraverait l’engagement des joueurs, au détriment tant de ceux-ci que des clubs qui entendent les engager, et cela d’autant plus que le montant de cette indemnité, qui doit ultérieurement être fixé en fonction des critères énumérés à l’article 17, point 1, du RSTJ, n’est généralement pas connu au moment où les intéressés ont vocation à conclure un contrat de travail. En outre, cette entrave serait renforcée par les règles figurant respectivement à l’article 17, point 4, de ce règlement, qui prévoit que le nouveau club est présumé avoir incité le joueur à rompre le contrat de travail le liant à son ancien club et expose ce nouveau club, dans certains cas, à une sanction sportive. De même, les règles figurant à l’article 9, paragraphe 1, du RSTJ et à l’article 8.2.7 de l’annexe 3 de ce règlement renforceraient ladite entrave en interdisant à l’association nationale de football dont relève l’ancien club de délivrer un CIT au bénéfice du joueur s’il existe, entre cet ancien club et ce joueur, un litige ayant pour origine une résiliation prématurée de contrat de travail survenue sans accord mutuel.
43 D’autre part, la juridiction de renvoi observe que, selon la FIFA et l’URBSFA, les différentes règles en cause au principal devraient, de façon générale, être appréhendées en tenant compte des spécificités du sport qui sont reconnues par le traité FUE. Plus particulièrement, de l’avis de ces associations, à supposer même que ces règles entravent la liberté de circulation des travailleurs ou la concurrence, elles seraient justifiées au regard des objectifs légitimes que sont, au premier chef, le maintien de la stabilité contractuelle ainsi que de la stabilité des équipes de football et, plus largement, la préservation de l’intégrité, de la régularité ainsi que du bon déroulement des compétitions sportives.
44 Pour sa part, la juridiction de renvoi considère, en substance, qu’il n’est pas exclu que, en particulier lorsqu’elles sont appréhendées conjointement, les différentes règles en cause au principal entravent la liberté de circulation des travailleurs et la concurrence. Elle indique également être d’avis qu’il existe, en l’occurrence, des présomptions graves, précises et concordantes que l’existence et la mise en œuvre de ces règles aient pu entraver l’engagement de BZ par un nouveau club de football professionnel à la suite de la rupture du contrat de travail qui le liait au Lokomotiv Moscou. En effet, lesdites règles auraient rendu un tel engagement plus difficile, comme en attesteraient notamment les conditions suspensives stipulées par le Sporting du Pays de Charleroi dans la proposition d’engagement qu’il avait adressée à BZ.
45 Dans ces conditions, la cour d’appel de Mons a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Les articles 45 et 101 TFUE doivent-ils être interprétés en ce [sens] qu’ils interdisent :
– le principe de la solidarité du joueur et du club souhaitant l’engager au paiement de l’indemnité due au club avec lequel le contrat a été rompu sans juste cause, tel que stipulé à l’article 17[, point 2,] du [RSTJ], en combinaison avec les sanctions sportives prévues à l’article 17[, point 4,] de ce règlement et [avec] les sanctions financières prévues à l’article 17[, point 1, dudit règlement] ;
– la possibilité pour [l’association nationale de football] dont dépend l’ancien club du joueur de ne pas délivrer le [CIT], nécessaire pour l’engagement du joueur par un nouveau club, s’il existe un litige entre cet ancien club et le joueur (article 9[, paragraphe 1,] du même règlement et article 8.2.7 de l’annexe 3 [de celui-ci]) ? »
III. La procédure devant la Cour
46 Le 15 décembre 2022, soit postérieurement à l’adoption de la décision de renvoi, trois associations représentant les joueurs de football professionnel, la première au niveau international (la Fédération internationale des joueurs professionnels, ci-après la « FIFPro »), la deuxième au niveau européen (la Fédération internationale des joueurs professionnels – Division Europe, ci-après la « FIFPro Europe ») et la troisième au niveau français [l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP)], ont présenté, de façon groupée, une requête en intervention volontaire au litige au principal.
47 Le 19 décembre 2022, la juridiction de renvoi a informé la Cour de l’existence de cette requête en intervention volontaire.
48 Interrogée par le greffe de la Cour sur la question de savoir si les associations en cause devaient être considérées comme étant de nouvelles parties au litige au principal du seul fait d’avoir présenté une requête en intervention volontaire ou si la reconnaissance éventuelle de cette qualité nécessitait une décision de sa part, la juridiction de renvoi a répondu, en substance, que ces associations devaient être regardées comme des parties au litige au principal en vertu des règles de procédure nationales applicables, à savoir les articles 15 et 16 du code judiciaire belge, et cela quand bien même il n’avait pas encore été statué sur la recevabilité de leur requête.
49 Compte tenu de cette réponse, la demande de décision préjudicielle a été signifiée auxdites associations, conformément à l’article 97, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, et un délai leur a été imparti pour présenter des observations écrites.
50 Après le dépôt de ces observations écrites, la FIFA a demandé à la Cour, le 30 mai 2023, puis à nouveau le 12 juin 2023, d’écarter celles-ci ou de constater leur irrecevabilité au motif que les trois associations en cause ne pouvaient pas être considérées comme étant de nouvelles parties au litige au principal. Le greffe de la Cour a informé la FIFA qu’il avait été décidé de prendre acte de sa demande et que celle-ci serait traitée en temps utile par la Cour, tout en appelant son attention, dans l’attente de ce traitement, sur le fait que la juridiction de renvoi avait indiqué à la Cour, de façon explicite et claire, que ces associations devaient être considérées comme étant de nouvelles parties au litige au principal.
51 Le 29 novembre 2023, le greffier de la Cour a convoqué, notamment, l’ensemble des parties au litige au principal, telles que déterminées par la juridiction de renvoi, à l’audience de plaidoiries, prévue le 18 janvier 2024. À cette occasion, il les a informées du fait que, après en avoir délibéré le 23 novembre 2023, la deuxième chambre de la Cour avait décidé qu’il n’y avait lieu ni de déclarer irrecevables les observations écrites déposées par la FIFPro, par la FIFPro Europe et par l’UNFP, ni d’écarter ces parties de la procédure, tout en précisant que les motifs de cette décision seraient précisés dans l’arrêt mettant fin à l’instance.
52 À cet égard, l’article 96, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure, lu en combinaison avec l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, prévoit que, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, sont autorisées à présenter des observations devant la Cour, notamment, les parties au litige au principal.
53 En vertu de l’article 97, paragraphe 1, du règlement de procédure, les parties au litige au principal sont celles qui sont déterminées comme telles par la juridiction de renvoi, conformément aux règles de procédure nationales.
54 Il n’appartient pas à la Cour de vérifier si les décisions de la juridiction de renvoi relatives à cette détermination ont été prises conformément aux règles de procédure nationales applicables. Au contraire, la Cour doit s’en tenir à ces décisions tant que celles-ci n’ont pas été rapportées dans le cadre des voies de recours prévues par le droit national (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Orizzonte Salute, C-61/14, EU:C:2015:655, point 33).
55 Partant, la Cour est, en principe, tenue de considérer comme étant une partie au litige au principal toute personne qui est déterminée comme telle par la juridiction de renvoi, soit que cette personne détînt cette qualité antérieurement à l’introduction de la demande de décision préjudicielle, soit qu’elle l’ait acquise postérieurement.
56 Par exception à ce principe, une personne peut se voir refuser la qualité de partie au litige au principal, au sens de l’article 96, paragraphe 1, du règlement de procédure, lu en combinaison avec l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, dans le cas où les éléments du dossier dont dispose la Cour font apparaître, de manière manifeste, que cette personne n’a saisi la juridiction de renvoi d’une demande d’intervention postérieurement à la demande de décision préjudicielle qu’aux fins de participer à la procédure préjudicielle et qu’elle n’envisage pas de jouer un rôle actif dans la procédure nationale (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Orizzonte Salute, C-61/14, EU:C:2015:655, points 35 et 36).
57 En l’occurrence, ainsi qu’il a été relevé au point 48 du présent arrêt, la juridiction de renvoi a indiqué de façon explicite, claire et dépourvue de réserves que la FIFPro, la FIFPro Europe et l’UNFP devaient être considérées comme étant de nouvelles parties au litige au principal, conformément aux règles de procédure nationales applicables. En outre, il ne ressort d’aucun élément du dossier que la décision de cette juridiction à ce sujet aurait été amendée ou retirée dans le cadre des voies de recours prévues par le droit national.
58 Par ailleurs, les éléments de ce dossier ne font pas apparaître de manière manifeste que les trois associations en cause n’auraient introduit leur demande d’intervention devant la juridiction de renvoi qu’aux fins de participer à la procédure préjudicielle et qu’elles n’envisageraient pas de jouer un rôle actif dans la procédure nationale.
59 Dès lors, ces associations devaient se voir reconnaître la qualité de partie au litige au principal, au sens de l’article 96 du règlement de procédure, de sorte qu’elles étaient en droit de présenter des observations devant la Cour.
60 Par suite, il n’y avait pas lieu de déclarer leurs observations écrites irrecevables.
IV. Sur la recevabilité
61 La FIFA, l’URBSFA ainsi que les gouvernements grec, français et hongrois mettent en doute la recevabilité de la demande de décision préjudicielle ou, à tout le moins, de certains aspects de la question posée à la Cour.
62 Les arguments qu’ils avancent à ce sujet sont, en substance, de trois ordres. Premièrement, selon les gouvernements grec et français ainsi que l’URBSFA, le contenu de la décision de renvoi ne respecte pas les exigences énoncées à l’article 94 du règlement de procédure, en ce que celle-ci ne présente pas de façon suffisamment détaillée le cadre juridique et factuel dans lequel la juridiction de renvoi interroge la Cour ainsi que les raisons pour lesquelles cette juridiction estime nécessaire de poser une question préjudicielle relative à l’interprétation des articles 45 ou 101 TFUE afin d’être en mesure de trancher le litige au principal. Deuxièmement, la FIFA et l’URBSFA soutiennent que la demande de décision préjudicielle revêt un caractère hypothétique et abstrait, en ce qu’il n’existe pas de litige réel dont le traitement pourrait rendre nécessaire une quelconque décision interprétative de la Cour. Une telle situation découlerait, d’une part, du fait que les règles du RSTJ relatives aux contrats de travail et aux transferts n’ont, en définitive, pas eu d’incidence négative sur BZ et, d’autre part, de la circonstance que le litige au principal a été artificiellement construit par BZ, ce dernier n’ayant, en effet, jamais eu l’intention de rejoindre le Sporting du Pays de Charleroi. Troisièmement, d’après les gouvernements français et hongrois ainsi que la FIFA et l’URBSFA, le litige au principal est dépourvu de dimension transfrontalière au sens du traité FUE, voire, selon la FIFA et l’URBSFA, présente un caractère « externe », de sorte qu’il ne peut relever de l’article 45 TFUE. En effet, l’atteinte à la liberté de circulation des travailleurs dont BZ estime avoir été victime serait constituée par une entrave à sa mobilité professionnelle entre un État tiers (la Russie), où est établi le Lokomotiv Moscou, et un État membre (la Belgique), où est établi le Sporting du Pays de Charleroi.
A. Sur le contenu de la décision de renvoi
63 La procédure préjudicielle instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour rendre un jugement dans les litiges qu’elles sont appelées à trancher. En vertu d’une jurisprudence constante, désormais reflétée à l’article 94, sous a) et b), du règlement de procédure, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et juridique dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En outre, il est indispensable, comme l’énonce l’article 94, sous c), du règlement de procédure, que la demande de décision préjudicielle expose les raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la réglementation applicable au litige au principal. Ces exigences valent tout particulièrement dans les domaines qui sont caractérisés par des situations de fait et de droit complexes, tels que le domaine de la concurrence (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 59 et jurisprudence citée).
64 Par ailleurs, les informations fournies dans la décision de renvoi doivent non seulement permettre à la Cour d’apporter des réponses utiles, mais également donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 60 et jurisprudence citée).
65 En l’occurrence, la demande de décision préjudicielle répond aux exigences rappelées aux deux points précédents du présent arrêt. En effet, la décision de renvoi présente, de façon détaillée, le cadre factuel et juridique dans lequel s’insère la question posée à la Cour. En outre, cette décision expose de façon succincte mais claire les raisons de fait et de droit qui ont conduit la juridiction de renvoi à estimer qu’il était nécessaire de poser cette question ainsi que le lien unissant, selon elle, les articles 45 et 101 TFUE au litige au principal.
66 Au demeurant, la teneur des observations écrites soumises à la Cour met en évidence le fait que leurs auteurs n’ont eu aucune difficulté pour appréhender le cadre factuel et juridique dans lequel s’insère la question posée par la juridiction de renvoi, pour comprendre le sens et la portée des énonciations factuelles qui la sous-tendent, pour saisir les raisons pour lesquelles la juridiction de renvoi a estimé nécessaire de la poser ainsi que, en définitive, pour prendre position de façon complète et utile à ce sujet.
B. Sur la réalité du litige et la pertinence de la question posée à la Cour
67 Il appartient à la seule juridiction nationale saisie du litige au principal, qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de ce litige, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’elle pose à la Cour. Il s’ensuit que les questions posées par les juridictions nationales bénéficient d’une présomption de pertinence et que le refus de la Cour de statuer sur ces questions n’est possible que s’il apparaît, de manière manifeste, que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile auxdites questions (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 64 et jurisprudence citée).
68 En l’occurrence, les énonciations de la juridiction de renvoi résumées aux points 22 à 35, 39 et 41 à 44 du présent arrêt attestent du caractère réel du litige au principal. En outre, ces énonciations font apparaître que le fait, pour la juridiction de renvoi, d’interroger la Cour sur l’interprétation des articles 45 et 101 TFUE n’est pas manifestement dépourvu de rapport avec la réalité et l’objet de ce litige.
69 En effet, il ressort desdites énonciations, premièrement, que cette juridiction est saisie, à la fois par la voie d’un appel et par celle d’un appel incident, d’un litige ayant pour objet la question, réelle et concrète, de savoir si, comme cela a été jugé en première instance, BZ est fondé à demander l’indemnisation du préjudice qu’il prétend avoir subi en étant empêché d’exercer son activité de joueur de football professionnel pendant la saison 2014/2015, du fait d’un comportement fautif de la FIFA et de l’URBSFA consistant à avoir mis en œuvre à son égard l’article 17 du RSTJ, l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement et l’article 8.2.7 de l’annexe 3 dudit règlement. La juridiction de renvoi indique, à cet égard, qu’il existe, selon elle, des présomptions graves, précises et concordantes que l’existence et la mise en œuvre de ces différentes règles aient pu entraver l’engagement de BZ par un nouveau club de football professionnel à la suite de la rupture du contrat de travail qui le liait au Lokomotiv Moscou. Deuxièmement, la demande de BZ et le jugement de première instance qui l’a déclarée fondée dans son principe s’appuient tous les deux sur une interprétation ainsi que sur une application des articles 45 et 101 TFUE. Troisièmement, la juridiction de renvoi précise que, compte tenu de l’objet du litige dont elle est saisie, elle est, à son tour, tenue, pour rendre sa décision, de se prononcer, notamment, sur le point de savoir si le comportement de la FIFA et de l’URBSFA doit être qualifié de fautif au motif qu’il viole les articles 45 et 101 TFUE. Quatrièmement, cette même juridiction a jugé, au vu des faits qui lui étaient soumis, que, contrairement à ce qu’allèguent la FIFA et l’URBSFA, le litige au principal ne peut pas être considéré comme étant artificiel.
C. Sur la dimension transfrontalière du litige au principal
70 Les dispositions du traité FUE relatives à la liberté de circulation des travailleurs, à la liberté d’établissement, à la liberté de prestation de services et à la liberté de circulation des capitaux ne trouvent pas à s’appliquer aux situations dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, sous réserve de certains cas de figure spécifiques dans lesquels la décision de renvoi fait ressortir l’existence d’éléments concrets permettant d’établir que l’interprétation préjudicielle sollicitée est nécessaire à la solution du litige en raison d’un lien entre l’objet ou les circonstances de ce litige et les articles 45, 49, 56 ou 63 TFUE, conformément à ce qu’exige l’article 94 du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, points 38 et 39 ainsi que jurisprudence citée).
71 En l’occurrence, la demande de décision préjudicielle ne saurait être considérée comme étant irrecevable en tant qu’elle porte sur l’interprétation de l’article 45 TFUE, relatif à la liberté de circulation des travailleurs, au motif que cet article serait sans lien avec le litige au principal compte tenu de son absence de dimension transfrontalière ou, à plus forte raison, de son caractère « externe » au sens que l’URBSFA donne à ce terme.
72 En effet, la cour d’appel de Mons indique, dans sa décision de renvoi, que BZ a sa résidence et le centre de ses intérêts à Paris. En outre, elle rappelle que la demande présentée par celui-ci a pour objet l’indemnisation du préjudice qu’il estime avoir subi au cours de la saison 2014/2015, en ayant été entravé dans ses possibilités de mobilité professionnelle vers d’autres États membres, en particulier vers la Belgique où le Sporting du Pays de Charleroi lui avait soumis une proposition conditionnelle d’engagement. Ce faisant, la juridiction de renvoi met clairement en évidence, dans sa demande de décision préjudicielle, le caractère transfrontalier de la situation de fait et de droit qui caractérise le litige au principal, dans lequel une personne résidant en France se plaint d’avoir été entravée, postérieurement à la rupture du contrat de travail qui la liait à un club de football professionnel établi dans un État tiers, dans sa volonté avérée d’exercer sa liberté de circulation vers d’autres États membres, en particulier la Belgique, du fait de l’existence et de la mise en œuvre actuelle ou potentielle, à son égard, de certaines des règles adoptées par la FIFA en vue d’encadrer le statut et le transfert international des joueurs de football professionnel.
73 Il découle des considérations qui précèdent qu’aucun des arguments mentionnés au point 62 du présent arrêt ne peut être retenu et que, par conséquent, la demande de décision préjudicielle est recevable dans son ensemble.
V. Sur la question préjudicielle
74 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 45 et 101 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des règles qui ont été adoptées par une association de droit privé ayant pour buts, notamment, de réglementer, d’organiser ainsi que de contrôler le football au niveau mondial, et qui prévoient :
– premièrement, qu’un joueur professionnel partie à un contrat de travail, auquel est imputée une rupture sans juste cause de ce contrat, et le nouveau club qui l’engage à la suite de cette rupture sont solidairement et conjointement responsables du paiement d’une indemnité, due à l’ancien club pour lequel ce joueur travaillait et devant être fixée sur la base des différents critères énumérés par ces règles ;
– deuxièmement, que, dans le cas où l’engagement du joueur professionnel intervient pendant une période protégée en vertu du contrat de travail qui a été rompu, le nouveau club encourt une sanction sportive consistant en une interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs pendant une période déterminée, sauf s’il démontre qu’il n’a pas incité ce joueur à rompre ce contrat, et
– troisièmement, que l’existence d’un litige lié à cette rupture de contrat fait obstacle à ce que l’association nationale de football dont est membre l’ancien club délivre le CIT nécessaire à l’enregistrement du joueur auprès du nouveau club, avec pour conséquence que ce joueur ne peut pas participer à des compétitions de football pour le compte de ce nouveau club.
A. Observations liminaires
75 À titre liminaire, il doit être rappelé, en premier lieu, que, dans la mesure où l’exercice d’un sport constitue une activité économique, il relève des dispositions du droit de l’Union qui sont applicables en présence d’une telle activité (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 83 et jurisprudence citée).
76 Seules certaines règles spécifiques qui, d’une part, ont été adoptées exclusivement pour des motifs d’ordre non économique et qui, d’autre part, portent sur des questions intéressant uniquement le sport en tant que tel doivent être regardées comme étant étrangères à toute activité économique. Tel est le cas, en particulier, de celles portant sur l’exclusion des joueurs étrangers de la composition des équipes participant aux compétitions entre équipes représentatives de leur pays ou sur la fixation des critères de classement utilisés pour sélectionner les athlètes participant à des compétitions à titre individuel (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 84 et jurisprudence citée).
77 À l’exception de ces règles spécifiques, les règles que les associations sportives adoptent en vue de régir le travail salarié, la prestation de services ou l’établissement des joueurs professionnels ou semi-professionnels et, plus largement, les règles qui, tout en ne régissant pas formellement ce travail, cette prestation de services ou cet établissement, ont une incidence directe sur ledit travail, sur ladite prestation de services ou sur ledit établissement peuvent relever des articles 45, 49 et 56 TFUE (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, points 85 et 86 ainsi que jurisprudence citée).
78 De la même manière, les règles adoptées par de telles associations et, plus largement, le comportement de ces associations relèvent des dispositions du traité FUE relatives au droit de la concurrence lorsque les conditions d’application de ces dispositions sont réunies (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 87 et jurisprudence citée).
79 Or, les règles en cause au principal ne font pas partie de celles auxquelles pourrait être appliquée l’exception visée au point 76 du présent arrêt, dont la Cour a itérativement rappelé qu’elle doit rester limitée à son objet propre et qu’elle ne peut pas être invoquée pour exclure toute une activité sportive du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives au droit économique de l’Union (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 89 et jurisprudence citée).
80 En effet, les règles en cause au principal ont, d’une part, de toute évidence, une incidence directe sur le travail des joueurs. Ainsi, celles rappelées aux points 13 à 17 du présent arrêt visent à régir les contrats de travail des joueurs professionnels, lesquels définissent leurs conditions de travail et, indirectement, l’activité économique à laquelle ce travail peut donner lieu. Quant aux règles mentionnées aux points 10, 19 et 20 de cet arrêt, elles doivent être considérées comme ayant une incidence directe sur le travail des joueurs en ce qu’elles soumettent à certaines conditions leur participation à des compétitions, qui constitue l’objet essentiel de leur activité économique (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, points 59 et 60 ainsi que jurisprudence citée).
81 D’autre part, étant donné que la composition des équipes constitue un des paramètres essentiels des compétitions au cours desquelles s’affrontent les clubs de football professionnel et que ces compétitions donnent lieu à une activité économique, des règles telles que celles en cause au principal, qu’elles soient relatives aux contrats de travail ou aux transferts des joueurs, doivent aussi être considérées comme ayant une incidence directe sur les conditions d’exercice de cette activité économique ainsi que sur la concurrence entre les clubs de football professionnel exerçant celle-ci (voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, point 61).
82 Partant, les règles en cause au principal relèvent du champ d’application des articles 45 et 101 TFUE.
83 En deuxième lieu, dès lors que ces deux articles du traité FUE poursuivent chacun un objectif propre, qu’ils prévoient des conditions d’application qui leur sont propres, que leur application n’est pas mutuellement exclusive et que leur méconnaissance, si elle est établie, n’entraîne pas les mêmes conséquences, il y a lieu, pour la Cour, de les interpréter successivement, comme le demande la juridiction de renvoi.
84 En troisième et dernier lieu, les indéniables spécificités présentées par l’activité sportive, qui, bien qu’elles concernent tout spécialement le sport amateur, sont aussi susceptibles de se retrouver dans l’exercice du sport en tant qu’activité économique, peuvent éventuellement être prises en compte, entre autres éléments et pour autant qu’elles s’avèrent pertinentes, lors de l’application des articles 45 et 101 TFUE, étant observé, toutefois, que cette prise en compte ne peut s’opérer que dans le cadre et dans le respect des conditions d’application prévus à chacun de ces articles (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, points 103 et 104 ainsi que jurisprudence citée).
85 En particulier, lorsqu’il est soutenu qu’une règle adoptée par une association sportive constitue une entrave à la liberté de circulation des travailleurs ou une entente anticoncurrentielle, la caractérisation de cette règle comme entrave ou comme entente anticoncurrentielle doit, en toute hypothèse, s’appuyer sur un examen concret du contenu de ladite règle dans le contexte réel dans lequel celle-ci est appelée à être mise en œuvre (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 105 et jurisprudence citée).
B. Sur la question préjudicielle en tant qu’elle porte sur l’article 45 TFUE
1. Sur l’existence d’une entrave à la liberté de circulation des travailleurs
86 L’article 45 TFUE, qui est d’effet direct, s’oppose à toute mesure, que celle-ci soit fondée sur la nationalité ou applicable indépendamment de la nationalité, qui est susceptible de défavoriser les ressortissants de l’Union lorsqu’ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d’un État membre autre que leur État membre d’origine, en les empêchant ou en les dissuadant de quitter ce dernier (arrêt du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, point 136 et jurisprudence citée).
87 En l’occurrence, il résulte des termes de la question posée par la juridiction de renvoi et des énonciations qui la sous-tendent que le comportement en lien avec lequel cette juridiction interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 45 TFUE est constitué par le fait, pour la FIFA, d’avoir adopté puis mis en œuvre à l’égard de BZ, qui réside à Paris, et des clubs de football professionnel établis dans d’autres États membres qui étaient susceptibles, voire désireux, de l’engager à la suite de la rupture de son contrat de travail avec le Lokomotiv Moscou, ou à tout le moins d’avoir exposé ce joueur et ces clubs au risque de se voir appliquer diverses règles du RSTJ, figurant respectivement à l’article 17, points 1, 2 et 4, de ce règlement, à l’article 9, paragraphe 1, dudit règlement ainsi qu’à l’article 8.2.7 de l’annexe 3 du même règlement.
88 L’article 17, point 2, du RSTJ prévoit qu’un joueur professionnel dont le contrat de travail a été rompu sans juste cause et le nouveau club qui l’engage à la suite de cette rupture sont solidairement et conjointement responsables du paiement d’une indemnité due à l’ancien club pour lequel ce joueur travaillait. S’agissant de cette indemnité, l’article 17, point 1, du RSTJ énonce que, si rien n’est prévu par le contrat de travail, celle-ci est calculée en tenant compte du droit en vigueur dans le pays concerné, des spécificités du sport et de tout autre critère objectif, en ce compris, notamment, un critère tenant à la rémunération et aux autres avantages dus au joueur en vertu du contrat de travail qui a été rompu et/ou du nouveau contrat de travail, un critère tenant à la durée restante du contrat de travail qui a été rompu jusqu’à cinq ans au plus, ainsi qu’un critère tenant aux frais et aux dépenses occasionnés ou payés par l’ancien club, amortis sur la période contractuelle.
89 Ensuite, aux termes de l’article 17, point 4, du RSTJ, dans le cas où l’engagement du joueur concerné intervient pendant une période protégée en vertu du contrat de travail qui a été rompu, correspondant aux deux ou aux trois premières saisons ou années couvertes par ce contrat, selon l’âge de ce joueur, le nouveau club encourt une sanction sportive. À cet égard, cette disposition précise, premièrement, que la sanction sportive en question vient s’ajouter à l’obligation de payer l’indemnité visée à l’article 17, points 1 et 2, du RSTJ. Deuxièmement, cette sanction sportive a vocation à être appliquée à tout nouveau club convaincu de rupture de contrat de travail ou d’incitation à rompre un tel contrat durant la période protégée. Troisièmement, tout nouveau club qui signe un contrat de travail avec un joueur ayant rompu son ancien contrat de travail sans juste cause est présumé, jusqu’à preuve du contraire, avoir incité ce joueur à cette rupture. Quatrièmement, ladite sanction sportive consiste en une interdiction, pour le nouveau club, d’enregistrer de nouveaux joueurs à l’échelle nationale ou internationale, et cela pendant deux périodes d’enregistrement complètes et consécutives.
90 Enfin, il ressort notamment de l’article 9, paragraphe 1, du RSTJ et de l’article 8.2.7 de l’annexe 3 de ce règlement que l’existence d’un litige lié à une rupture de contrat sans juste cause fait obstacle à ce que l’association nationale de football dont est membre l’ancien club délivre le CIT nécessaire à l’enregistrement du joueur concerné auprès du nouveau club, avec pour conséquence que ce joueur ne peut pas participer à des compétitions de football pour le compte de ce nouveau club.
91 Comme M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 43 et 44 de ses conclusions, cet ensemble de règles est susceptible de défavoriser les joueurs de football professionnel qui ont leur résidence ou leur lieu de travail dans leur État membre d’origine et qui souhaitent exercer leur activité économique pour le compte d’un nouveau club établi sur le territoire d’un autre État membre, en rompant unilatéralement ou après avoir rompu unilatéralement leur contrat de travail avec leur ancien club, pour une cause que celui-ci prétend ou risque de prétendre, à tort ou à raison, ne pas être juste.
92 Plus précisément, les règles, certes supplétives, de fixation du montant de l’indemnité due par tout joueur à son ancien club en cas de rupture de contrat de travail intervenue sans juste cause, prévues à l’article 17, point 1, du RSTJ, la règle selon laquelle tout nouveau club qui engage un tel joueur est tenu solidairement et conjointement au paiement de cette indemnité, figurant à l’article 17, point 2, de ce règlement, et la présomption, certes réfragable, d’incitation à la rupture ainsi que la sanction d’interdiction d’enregistrement de nouveaux joueurs qui sont applicables aux nouveaux clubs en vertu de l’article 17, point 4, dudit règlement sont de nature à priver dans une très large mesure, que ce soit effectivement, comme dans le cas de BZ, ou au moins potentiellement, tout joueur se trouvant dans un tel cas de la perspective de se voir adresser des propositions d’engagement fermes et inconditionnelles de la part de clubs établis dans d’autres États membres, dont l’acceptation le conduirait à quitter son État membre d’origine en exerçant sa liberté de circulation. En effet, l’existence de ces règles et leur combinaison ont pour conséquence de faire peser sur ces clubs des risques juridiques importants, des risques financiers imprévisibles et potentiellement très élevés ainsi que des risques sportifs majeurs, qui, pris ensemble, sont clairement de nature à les dissuader d’engager de tels joueurs.
93 Pour leur part, les règles interdisant de façon générale et automatique, sous réserve de circonstances exceptionnelles, la délivrance des CIT nécessaires à l’enregistrement des joueurs professionnels auprès de leurs nouveaux clubs aussi longtemps qu’il existe, entre ces joueurs et leurs anciens clubs, un litige lié à une absence d’accord mutuel sur une résiliation prématurée du contrat de travail, telles que prévues à l’article 9, paragraphe 1, du RSTJ et à l’article 8.2.7 de l’annexe 3 de ce règlement, sont de nature à empêcher lesdits joueurs d’exercer leur activité économique dans tout autre État membre que leur État membre d’origine, donc à priver de l’essentiel de son intérêt sportif et économique leur éventuel engagement par un club établi dans un de ces autres États membres. En outre, ces dernières règles s’appliquent spécifiquement en cas de mouvement transfrontalier de joueur, à l’exclusion de tout mouvement à l’intérieur d’un seul et même État, comme cela résulte également de l’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement. Ainsi, en l’occurrence, il ressort des énonciations de la décision de renvoi que le Sporting du Pays de Charleroi a spécifiquement conditionné l’offre de recrutement adressée à BZ le 19 février 2015 à l’assurance de pouvoir enregistrer et faire jouer celui-ci en Belgique, assurance que BZ a cherché à obtenir auprès de la FIFA et de l’URBSFA, mais que celles-ci ont déclaré ne pas pouvoir lui donner compte tenu de l’existence d’un litige entre celui-ci et le Lokomotiv Moscou, litige sur lequel la CRL ne s’est prononcée que plusieurs mois après.
94 Partant, les règles en cause au principal sont de nature à entraver la liberté de circulation des travailleurs.
2. Sur l’existence d’une éventuelle justification
95 Des mesures d’origine non étatique peuvent être admises, alors même qu’elles sont de nature à entraver une liberté de circulation consacrée par le traité FUE, s’il est établi, premièrement, que leur adoption poursuit un objectif légitime d’intérêt général compatible avec ce traité et, partant, de nature autre que purement économique, et, deuxièmement, qu’elles respectent le principe de proportionnalité, ce qui implique qu’elles soient aptes à garantir la réalisation de cet objectif et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci. S’agissant plus particulièrement de l’exigence tenant à l’aptitude de telles mesures, il convient de rappeler que celles-ci ne peuvent être considérées comme étant propres à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elles répondent véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique (arrêts du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 251, ainsi que du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, point 141 et jurisprudence citée).
96 De la même manière qu’en présence de mesures d’origine étatique, c’est à l’auteur de ces mesures d’origine non étatique qu’il incombe de démontrer que ces deux conditions cumulatives sont respectées (arrêts du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 252, ainsi que du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, point 142 et jurisprudence citée).
97 En l’occurrence, il appartiendra, en dernière analyse, à la juridiction de renvoi de déterminer si les règles du RSTJ en cause au principal remplissent lesdites conditions, au vu des arguments et des éléments de preuve produits par les parties. Cela étant, la Cour est en mesure de fournir à cette juridiction, au vu des éléments figurant au dossier dont elle dispose et sous réserve de vérification par cette dernière, les indications suivantes.
a) Sur la poursuite d’un objectif légitime d’intérêt général
98 La FIFA, rejointe par l’URBSFA, fait valoir que les règles du RSTJ en cause au principal poursuivent plusieurs objectifs consistant, premièrement, à maintenir la stabilité contractuelle ainsi que la stabilité des équipes des clubs de football professionnel, deuxièmement, à préserver, plus largement, l’intégrité, la régularité ainsi que le bon déroulement des compétitions sportives de football interclubs et, troisièmement, à protéger les travailleurs que sont les footballeurs professionnels. Or, ces différents objectifs seraient tous légitimes au regard de l’intérêt général.
99 À cet égard, en premier lieu, s’agissant de la protection des travailleurs, il convient de faire observer, d’une part, que celle-ci ne relève pas de l’objet de la FIFA, tel que défini par ses statuts, et, d’autre part, que cette association de droit privé ne s’est pas davantage vu confier de mission particulière en ce domaine par les pouvoirs publics. Cela étant, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le point de savoir si, compte tenu de ces circonstances, une telle association est ou non en droit d’invoquer la poursuite d’un tel objectif, puisqu’il suffit, en l’occurrence, de constater, en tout état de cause, qu’il n’apparaît pas en quoi l’adoption ou la mise en œuvre des règles du RSTJ en cause au principal, telles que caractérisées au point 74 du présent arrêt, serait susceptible de contribuer à la protection des footballeurs professionnels.
100 En second lieu, compte tenu des buts que se fixe la FIFA, tels que précisés à l’article 2 de ses statuts et rappelés au point 3 du présent arrêt, il convient de relever, tout d’abord, que l’objectif consistant à assurer la régularité des compétitions sportives constitue un objectif légitime d’intérêt général qui peut être poursuivi par une association sportive, par exemple en adoptant des règles fixant des délais pour les transferts de joueurs en vue d’éviter des transferts tardifs susceptibles de modifier sensiblement la valeur sportive de telle ou telle équipe au cours d’une compétition et, ce faisant, de remettre en cause la comparabilité des résultats entre les différentes équipes engagées dans cette compétition ainsi que, par conséquent, le bon déroulement de ladite compétition dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine, C-176/96, EU:C:2000:201, points 53 et 54).
101 Ensuite, cet objectif revêt une importance particulière dans le cas du football, compte tenu du rôle essentiel dévolu au mérite sportif dans le déroulement des compétitions organisées aux niveaux tant européen que national. En effet, ce rôle essentiel ne peut être garanti que si toutes les nombreuses équipes en présence s’affrontent dans des conditions réglementaires et techniques homogènes et si un équilibre est maintenu entre les clubs, en assurant une certaine égalité des chances (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 143 et jurisprudence citée).
102 Enfin, étant donné que la composition des équipes constitue un des paramètres essentiels des compétitions au cours desquelles s’affrontent les clubs (arrêt du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, point 61), ledit objectif est susceptible de justifier l’adoption non seulement de règles portant, entre autres, sur les délais pour les transferts de joueurs en cours de compétition, visées au point 100 du présent arrêt, mais également, dans leur principe et sans préjudice de leur contenu concret, de règles destinées à assurer le maintien d’un certain degré de stabilité dans les effectifs des clubs, qui servent de vivier à la composition des équipes susceptibles d’être alignées par ces clubs lors des compétitions de football interclubs. Le maintien d’un certain degré de stabilité dans ces effectifs, et donc d’une certaine continuité des contrats s’y rapportant, doit ainsi être regardé comme constituant non pas un objectif légitime d’intérêt général en soi, mais comme un des moyens possibles de contribuer à la poursuite de l’objectif légitime d’intérêt général consistant à assurer la régularité des compétitions de football interclubs.
b) Sur le respect du principe de proportionnalité
103 Ainsi qu’il découle du point précédent du présent arrêt et comme M. l’avocat général l’a relevé au point 65 de ses conclusions, les règles du RSTJ en cause au principal, telles que caractérisées au point 74 de cet arrêt et rappelées aux points 87 à 90 de celui-ci, peuvent toutes être considérées, à première vue et sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, comme étant propres à garantir la réalisation de l’objectif consistant à assurer la régularité des compétitions de football interclubs, en contribuant, chacune à sa manière, à maintenir un certain degré de stabilité dans les effectifs de l’ensemble des clubs de football professionnel susceptibles de participer à ces compétitions.
104 En revanche, sous réserve des vérifications qu’il revient à la juridiction de renvoi d’effectuer, ces différentes règles paraissent aller, sous plusieurs aspects, au-delà, voire, pour certaines, très au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, cela d’autant plus qu’elles ont vocation à s’appliquer, dans une large mesure, de façon conjuguée et, pour une partie d’entre elles, pendant une période de temps conséquente, à des joueurs dont, de surcroît, la carrière est relativement courte, cette situation risquant d’obérer fortement le déroulement de celle-ci, si ce n’est de conduire certains de ces joueurs à y mettre fin prématurément.
105 En premier lieu, tel est le cas de l’article 17, point 1, du RSTJ en ce qu’il fixe les différents critères de calcul de l’indemnité due par le joueur en cas de rupture unilatérale du contrat de travail intervenue « sans juste cause », expression qui, au demeurant, n’est pas définie de façon précise dans ce règlement lui-même.
106 En particulier, le premier critère, qui consiste, en substance, en une possibilité de prendre en compte le « droit en vigueur dans le pays concerné », ne garantit pas le respect effectif de ce droit. Au contraire, le commentaire officiel du RSTJ publié par la FIFA précise que ce premier critère n’a, en réalité, quasiment jamais été appliqué en pratique, la CRLappliquant essentiellement la réglementation édictée par cette association elle-même et, à titre uniquement supplétif, le droit suisse. Or, une telle absence de prise en compte réelle et donc de respect effectif du droit en vigueur dans le pays concerné va manifestement au-delà de ce qui peut être nécessaire pour maintenir un certain degré de stabilité dans les effectifs des clubs en vue d’assurer la régularité des compétitions de football interclubs. Quant au deuxième critère expressément prévu par cette règle, relatif aux « spécificités du sport », il renvoie à une notion générale, sans néanmoins l’assortir d’une définition précise permettant de comprendre à quel titre et selon quelles modalités ce critère peut être appelé à influer sur le calcul de l’indemnité due par le joueur, de sorte que, bien que ledit critère soit présenté comme étant un « critère objectif », il se prête, en réalité, à une mise en œuvre discrétionnaire, donc imprévisible et difficilement contrôlable. Or, l’édiction d’un critère présentant de telles caractéristiques et engendrant de telles conséquences ne saurait être considérée comme étant nécessaire pour assurer la régularité des compétitions de football interclubs.
107 Pour leur part, les autres critères expressément prévus par ladite règle, tout en étant à première vue plus objectifs et contrôlables que les précédents, n’en paraissent pas moins aller très sensiblement au-delà de ce qui est nécessaire à cette même fin. En effet, d’une part, la rémunération et les autres avantages dus au joueur concerné en vertu du contrat de travail ultérieurement conclu par celui-ci avec un nouveau club se rapportent à une relation de travail postérieure à la relation de travail qui a été rompue, de sorte que ces éléments doivent être tenus pour étrangers à cette dernière relation de travail et à son coût (voir, par analogie, arrêt du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais, C-325/08, EU:C:2010:143, point 50). D’autre part, quant à l’ensemble des frais et des dépenses supportés par l’ancien club à l’occasion du transfert dudit joueur vers celui-ci, amortis sur la période contractuelle, force est de relever que, indépendamment du fait que cet élément se rapporte, pour l’essentiel, à une relation contractuelle de travail antérieure, sa prise en compte paraît particulièrement excessive, puisqu’elle est de nature à permettre de reporter sur le joueur des charges potentiellement considérables qui, a priori, ont été négociées exclusivement par d’autres personnes et dans leur propre intérêt, comme les clubs parties au transfert ou les tiers qui sont intervenus dans ce cadre. Au demeurant, force est de constater que de tels critères d’indemnisation paraissent être destinés davantage à préserver les intérêts financiers des clubs dans le contexte économique propre aux transferts de joueurs entre ceux-ci qu’à assurer le prétendu bon déroulement de compétitions sportives, ce dont témoigne, par ailleurs, la manière dont ces critères sont interprétés et appliqués par la CRL et par le TAS, telle qu’elle ressort de certaines décisions de ces organes qui figurent au dossier dont dispose la Cour.
108 En deuxième lieu, tel est, à première vue, également le cas de l’article 17, point 2, du RSTJ en ce qu’il prévoit, par principe et donc sans tenir compte, conformément au principe de proportionnalité, des circonstances propres à chaque cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2018, Link Logistik N&N, C-384/17, EU:C:2018:810, point 45), en particulier du comportement effectif du nouveau club qui engage ce joueur, que ledit club est solidairement et conjointement responsable du paiement de l’indemnité due par ledit joueur à son ancien club en cas de rupture unilatérale du contrat sans juste cause, une telle indemnité étant, de surcroît, fixée en fonction de critères présentant les déficiences mises en exergue aux points 106 et 107 du présent arrêt. Par ailleurs, s’il convient de reconnaître que la FIFA a soutenu que cette disposition n’est pas appliquée de manière systématique et ne trouve, notamment, pas à s’appliquer lorsque le nouveau contrat d’un joueur ayant rompu son contrat précédent sans juste cause est signé après la date d’expiration de ce contrat précédent, il n’en reste pas moins que, même en supposant cette situation établie, l’article 17, point 2, du RSTJ ne prévoit pas une telle non-application et n’assure donc pas la sécurité juridique nécessaire à cet égard.
109 En troisième lieu, tel est encore le cas de l’article 17, point 4, du RSTJ en ce qu’il prévoit que, en plus d’être solidairement et conjointement responsable du paiement d’une telle indemnité, ce nouveau club est présumé, sous réserve de rapporter la preuve contraire, avoir incité ce joueur à cette rupture de contrat sans juste cause et, dans le cas où l’engagement dudit joueur intervient pendant la période protégée du contrat qui le liait à son ancien club, que ledit nouveau club encourt de ce fait une sanction sportive consistant en une interdiction générale d’enregistrer de nouveaux joueurs pendant deux périodes d’enregistrement complètes et consécutives.
110 En effet, une telle sanction sportive, que les organes compétents pour l’appliquer n’ont pas le pouvoir d’adapter au cas par cas en fonction de critères ou de circonstances donnés, apparaît, eu égard à sa nature et à ses conséquences, manifestement dépourvue de tout rapport de proportionnalité avec le manquement imputé au nouveau club concerné. En outre, ce manquement est imputé à ce nouveau club sur la base d’une présomption dont le caractère justifié n’apparaît pas établi. Certes, la FIFA a soutenu que l’existence de cette présomption s’expliquait par les difficultés auxquelles l’ancien club d’un joueur pourrait être confronté s’il était obligé de prouver que le nouveau club de ce joueur a incité celui-ci à rompre prématurément et sans juste cause le contrat qui le liait à cet ancien club. Cependant, force est de constater que, si un tel argument est, à première vue, susceptible de justifier, dans son principe même, le recours à une présomption, il ne justifie en revanche pas la présomption en cause en l’occurrence, qui trouve à s’appliquer de façon automatique, c’est-à-dire sans dépendre d’aucune condition permettant de tenir compte, fût-ce de manière limitée, des circonstances pertinentes du cas d’espèce, comme celle consistant, par exemple, à demander, à tout le moins, à l’ancien club de faire état d’indices suffisants pour permettre de considérer que le nouveau club a incité le joueur à la rupture.
111 Par ailleurs, s’il est loisible à une association telle que la FIFA de prévoir l’infliction de sanctions en cas de manquement aux règles qu’elle adopte, pour autant que ces règles et les sanctions destinées à en assurer le respect se justifient par la poursuite d’un objectif légitime d’intérêt général, de telles sanctions ne peuvent être admises qu’à la condition que leur fixation soit encadrée par des critères transparents, objectifs, non discriminatoires et proportionnés (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 257), cette dernière exigence impliquant, notamment, qu’il soit tenu compte des circonstances propres au cas d’espèce lors de la détermination de leur montant et de leur durée, comme cela découle de la jurisprudence citée au point 108 du présent arrêt. D’autre part, de tels critères doivent pouvoir faire l’objet d’un contrôle effectif.
112 En quatrième et dernier lieu, tel est aussi le cas de l’article 8.2.7 de l’annexe 3 du RSTJ en ce qu’il interdit à l’ancienne association, de façon générale et automatique, sous réserve de circonstances exceptionnelles, de délivrer un CIT si l’ancien club et le joueur sont opposés par un litige contractuel lié à une absence d’accord mutuel sur une résiliation prématurée du contrat de travail. En effet, une telle disposition, dont la mise en œuvre peut conduire à empêcher le joueur concerné d’exercer son activité professionnelle ainsi qu’à empêcher le nouveau club d’aligner ce joueur au seul motif qu’il existe entre ledit joueur et son ancien club un différend relatif à une rupture de contrat éventuellement dépourvue de juste cause, méconnaît de façon manifeste le principe de proportionnalité, notamment en ce que son application fait abstraction des circonstances propres à chaque cas d’espèce, en particulier du contexte factuel dans lequel la rupture de contrat est survenue, du comportement respectif du joueur concerné et de son ancien club ainsi que du rôle ou de l’absence de rôle joué par le nouveau club, sur lequel pèse pourtant, en définitive, l’interdiction d’enregistrer ce joueur et de l’aligner lors de compétitions.
113 L’interdiction en cause ne saurait, ainsi, être justifiée par une prétendue volonté d’assurer le bon déroulement des compétitions sportives. Cette conclusion n’est, par ailleurs, pas remise en cause par l’argument de la FIFA selon lequel, en cas de demande d’enregistrement soumise par la nouvelle association nationale de football dont relève un joueur ou en cas de demande soumise par un joueur, ses services procèdent immédiatement et automatiquement à un enregistrement provisoire de ce joueur. En effet, la disposition concernée ne contient pas de référence à un tel enregistrement provisoire et, à plus forte raison, n’impose pas de procéder à celui-ci.
3. Conclusion
114 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question préjudicielle, en tant qu’elle porte sur l’interprétation de l’article 45 TFUE, que cet article doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des règles qui ont été adoptées par une association de droit privé ayant pour buts, notamment, de réglementer, d’organiser ainsi que de contrôler le football au niveau mondial, et qui prévoient :
– premièrement, qu’un joueur professionnel partie à un contrat de travail, auquel est imputée une rupture sans juste cause de ce contrat, et le nouveau club qui l’engage à la suite de cette rupture sont solidairement et conjointement responsables du paiement d’une indemnité due à l’ancien club pour lequel ce joueur travaillait et devant être fixée sur la base de critères tantôt imprécis ou discrétionnaires, tantôt dépourvus de lien objectif avec la relation de travail concernée et tantôt disproportionnés ;
– deuxièmement, que, dans le cas où l’engagement du joueur professionnel intervient pendant une période protégée en vertu du contrat de travail qui a été rompu, le nouveau club encourt une sanction sportive consistant en une interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs pendant une période déterminée, sauf s’il démontre qu’il n’a pas incité ce joueur à rompre ce contrat, et
– troisièmement, que l’existence d’un litige lié à cette rupture de contrat fait obstacle à ce que l’association nationale de football dont est membre l’ancien club délivre le CIT nécessaire à l’enregistrement du joueur auprès du nouveau club, avec pour conséquence que ce joueur ne peut pas participer à des compétitions de football pour le compte de ce nouveau club,
à moins qu’il ne soit établi que ces règles, telles qu’interprétées et appliquées sur le territoire de l’Union, ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire à la poursuite de l’objectif consistant à assurer la régularité des compétitions de football interclubs, en maintenant un certain degré de stabilité dans les effectifs des clubs de football professionnel.
C. Sur la question préjudicielle en tant qu’elle porte sur l’interprétation de l’article 101 TFUE
1. Sur l’article 101, paragraphe 1, TFUE
115 L’article 101, paragraphe 1, TFUE interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre les États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur.
116 Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, l’application de cette disposition, dans un cas donné, nécessite la réunion d’un ensemble de conditions.
a) Sur les notions d’« entreprises » et d’« associations d’entreprises »
117 L’article 101, paragraphe 1, TFUE est applicable non seulement à toute entité exerçant une activité économique et devant, comme telle, être qualifiée d’« entreprise », indépendamment de sa forme juridique ainsi que de son mode de financement, en ce compris des entités qui sont constituées sous la forme d’associations ayant pour but, selon leurs statuts, l’organisation et le contrôle d’un sport donné, dans la mesure où ces entités exercent une activité économique en rapport avec ce sport, mais également à des entités qui, bien que ne constituant pas nécessairement elles-mêmes des entreprises, peuvent être qualifiées d’« associations d’entreprises » (arrêt du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, points 76 à 78 et jurisprudence citée).
118 En l’occurrence, compte tenu de l’objet de l’affaire au principal et des énonciations de la juridiction de renvoi, il convient de considérer que l’article 101, paragraphe 1, TFUE est applicable à la FIFA en tant qu’association ayant pour membres des associations nationales de football qui peuvent elles-mêmes être qualifiées d’« entreprises » en ce qu’elles exercent une activité économique liée à l’organisation et à la commercialisation de compétitions de football interclubs à l’échelle nationale ainsi qu’à l’exploitation de droits liés à celles-ci, ou qui ont elles-mêmes pour membres ou pour affiliés des entités pouvant être qualifiées comme telles, à l’instar des clubs de football (arrêts du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 115, et du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, point 79).
b) Sur la notion de « décision d’association d’entreprises »
119 L’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, en présence d’une entité telle que la FIFA, implique d’établir l’existence d’un « accord », d’une « pratique concertée » ou d’une « décision d’association d’entreprises », lesquels peuvent eux-mêmes être de différentes natures et se présenter sous différentes formes. En particulier, la décision d’une association consistant à adopter ou à mettre en œuvre une réglementation ayant une incidence directe sur les conditions d’exercice de l’activité économique des entreprises qui en sont directement ou indirectement membres peut constituer une telle « décision d’association d’entreprises », au sens de cette disposition (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 118 et jurisprudence citée).
120 En l’occurrence, comme cela découle des énonciations de la décision de renvoi et du point 81 du présent arrêt, c’est au regard de décisions de ce type que la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, à savoir celles consistant, pour la FIFA, à avoir adopté et à mettre en œuvre ou à pouvoir mettre en œuvre un ensemble de règles relatives aux contrats de travail et aux transferts des joueurs.
121 Dès lors, de telles décisions d’associations d’entreprises relèvent de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
c) Sur la notion d’« affectation du commerce entre les États membres »
122 L’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE en présence de telles décisions d’associations d’entreprises implique d’établir, avec un degré de probabilité suffisant, que celles-ci sont « susceptibles d’affecter le commerce entre les États membres », de manière sensible, en exerçant une influence directe ou indirecte et actuelle ou potentielle sur les courants d’échanges, au risque d’entraver la réalisation ou le fonctionnement du marché intérieur, étant précisé qu’une telle condition peut être considérée comme étant remplie en présence de comportements qui couvrent l’ensemble du territoire d’un État membre (arrêt du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, point 43 et jurisprudence citée).
123 En l’occurrence, cette condition est, à l’évidence, remplie compte tenu du fait que, comme le précise l’article 1er, paragraphe 1, du RSTJ, les règles établies par ce règlement ont une portée géographique « universelle ».
d) Sur la notion de comportement ayant pour « objet » ou pour « effet » de porter atteinte à la concurrence
124 Pour pouvoir considérer, dans un cas donné, qu’un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée relève de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il est nécessaire, conformément aux termes mêmes de cette disposition, de démontrer soit que ce comportement a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, soit que ce comportement a un tel effet (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 158 et jurisprudence citée).
125 À cette fin, il convient de procéder, dans un premier temps, à l’examen de l’objet du comportement en cause. Dans l’hypothèse où, au terme d’un tel examen, ce comportement s’avère avoir un objet anticoncurrentiel, il n’est pas nécessaire de procéder à l’examen de son effet sur la concurrence. Ce n’est donc que dans l’hypothèse où ledit comportement ne peut être considéré comme ayant un tel objet anticoncurrentiel qu’il est nécessaire de procéder, dans un second temps, à l’examen de cet effet (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 159 et jurisprudence citée).
126 Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, la notion d’« objet » anticoncurrentiel, tout en ne constituant pas une exception par rapport à la notion d’« effet » anticoncurrentiel, doit néanmoins être interprétée de manière stricte (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 161 et jurisprudence citée).
127 Partant, cette notion doit être comprise comme renvoyant exclusivement à certains types de coordination entre entreprises qui révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré qu’un examen de leurs effets n’est pas nécessaire. En effet, certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être regardées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 162 et jurisprudence citée).
128 Il en va ainsi, notamment, de certains types d’accords horizontaux autres que des cartels, par exemple ceux conduisant à l’exclusion d’entreprises concurrentes du marché, ou encore de certains types de décisions d’associations d’entreprises (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 164 et jurisprudence citée).
129 Ainsi qu’il ressort de l’article 101, paragraphe 1, sous a) et c), TFUE, qui se réfère notamment à la fixation des « prix d’achat ou de vente » et à la répartition des « marchés ou [des] sources d’approvisionnement », de tels cartels, de tels accords horizontaux et de telles décisions d’associations d’entreprises peuvent porter non seulement sur les produits ou les services commercialisés par les entreprises concernées, donc sur l’offre, mais également sur les ressources de toute nature dont ces entreprises ont besoin pour réaliser ces produits ou ces services, donc sur la demande. Le comportement collusoire desdites entreprises peut ainsi consister, par exemple, à se répartir les fournisseurs, à utiliser leur pouvoir de marché collectif pour fixer le prix auquel elles achèteront leurs intrants ou encore, comme l’a déjà relevé la Cour, à limiter ou à contrôler le paramètre essentiel de concurrence que peut constituer, dans certains secteurs ou sur certains marchés, le recrutement de travailleurs de haut niveau, tels que les joueurs déjà formés s’agissant du secteur du football professionnel (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, points 107, 109 et 110).
130 Afin de déterminer, dans un cas donné, si un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée présente, par sa nature même, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour pouvoir être considéré comme ayant pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser celle-ci, il est nécessaire d’examiner, premièrement, la teneur de l’accord, de la décision ou de la pratique en cause, deuxièmement, le contexte économique et juridique dans lequel il s’insère et, troisièmement, les buts qu’il vise à atteindre (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 165 et jurisprudence citée).
131 À cet égard, tout d’abord, s’agissant du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrit le comportement en cause, il y a lieu de prendre en considération la nature des produits ou des services concernés ainsi que les conditions réelles qui caractérisent la structure et le fonctionnement du ou des secteurs ou marchés en question. En revanche, il n’est en aucune manière nécessaire d’examiner et à plus forte raison de démontrer les effets de ce comportement sur la concurrence, qu’ils soient réels ou potentiels et négatifs ou positifs (arrêts du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 166 et jurisprudence citée, ainsi que du 27 juin 2024, Commission/Servier e.a., C-176/19 P, EU:C:2024:549, points 288 et 453).
132 Ensuite, en ce qui concerne les buts poursuivis par le comportement en cause, il y a lieu de déterminer les buts objectifs que ce comportement vise à atteindre à l’égard de la concurrence. En revanche, la circonstance que les entreprises impliquées ont agi sans avoir l’intention subjective d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence et le fait qu’elles ont poursuivi certains objectifs légitimes ne sont pas déterminants aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 167 et jurisprudence citée).
133 Enfin, la prise en considération de l’ensemble des éléments visés aux trois points précédents du présent arrêt doit, en tout état de cause, faire apparaître les raisons précises pour lesquelles le comportement en cause présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, justifiant de considérer qu’il a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser celle-ci (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 168 et jurisprudence citée).
134 En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de la teneur des règles du RSTJ en cause au principal, il résulte des points 87 à 90 du présent arrêt que ces différentes règles, qui se présentent comme un ensemble indissociable et qui doivent donc être appréhendées comme tel, prévoient, tout d’abord, que tout joueur de football, donc notamment tout joueur de football employé dans l’Union, qui rompt le contrat de travail le liant à son ancien club, à quelque moment que ce soit pendant la durée de celui-ci, est tenu, si la FIFA décide ultérieurement que cette rupture est intervenue sans juste cause, de payer à cet ancien club une indemnité dont le montant est calculé, en l’absence de stipulations contractuelles à ce sujet, en prenant en compte un ensemble de critères.
135 Force est de rappeler, à cet égard, que le premier de ces critères, relatif au « droit en vigueur dans le pays concerné », est, en pratique, restée quasiment lettre morte jusqu’à présent, ainsi qu’il a été relevé au point 106 du présent arrêt, et que le deuxième desdits critères, relatif aux « spécificités du sport », est libellé, comme il a également été souligné à ce même point 106, en des termes extrêmement généraux et imprécis se prêtant à une mise en œuvre discrétionnaire, donc imprévisible et difficilement contrôlable. Quant aux autres critères, ils paraissent, de prime abord, permettre la fixation d’indemnités d’un montant extrêmement élevé et dissuasif, comme il a été dit au point 107 de cet arrêt. Par contraste, l’article 4 de la loi du 24 février 1978 relative au contrat de travail du sportif rémunéré (Moniteur belge du 9 mars 1978, p. 2606), mentionnée par BZ dans ses observations écrites, semble prévoir, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que, dans une situation comparable mais relevant du droit interne belge, le montant de l’indemnité correspond à la seule rémunération restant due jusqu’au terme du contrat de travail qui a été dénoncé et ne fait donc pas intervenir des éléments étrangers à la relation de travail découlant de ce contrat, analogues à ceux visés au même point.
136 Ensuite, tout joueur que son ancien club attrait devant la CRL en vue d’obtenir sa condamnation au paiement de l’indemnité en question, au motif allégué que la rupture du contrat de travail qui les liait est intervenue sans juste cause, se voit automatiquement, de ce seul fait et sous réserve de circonstances exceptionnelles soumises à l’appréciation exclusive de la FIFA, privé de la possibilité d’obtenir la délivrance du CIT qui, en cas de transfert vers un nouveau club établi dans un État membre autre que celui où est établi son ancien club, conditionne son enregistrement auprès de ce nouveau club et de l’association nationale de football à laquelle ce dernier est affilié. Par voie de conséquence, dans une telle situation, ce joueur est privé de toute possibilitéde participer au football organisé, comme cela découle de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 9, paragraphe 1, du RSTJ.
137 Enfin, tout nouveau club qui engagerait un tel joueur serait, de ce seul fait, premièrement, tenu solidairement et conjointement responsable du paiement de l’indemnité à laquelle ce joueur a été ou pourrait être condamné, deuxièmement, présumé, sous réserve de rapporter la preuve du contraire, avoir incité ledit joueur à rompre le contrat de travail qui le liait à son ancien club et, troisièmement, dans le cas où la rupture de ce contrat est intervenue pendant la période protégée de celui-ci, condamné, du fait de l’application de cette présomption et sans qu’il puisse être tenu compte des circonstances propres à chaque cas d’espèce, à une interdiction générale d’enregistrer tout nouveau joueur à l’échelle nationale ou internationale pendant deux périodes d’enregistrement complètes et consécutives.
138 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 52 à 55 de ses conclusions, la lecture combinée des règles du RSTJ en cause au principal fait apparaître, d’une part, que celles-ci sont de nature à restreindre de façon généralisée et drastique, d’un point de vue matériel, la concurrence qui, en leur absence, pourrait opposer tout club de football professionnel établi dans un État membre à tout autre club de football professionnel établi dans un autre État membre en ce qui concerne le recrutement de joueurs déjà engagés par un club donné, étant observé que ces joueurs constituent, d’un point de vue numérique, l’essentiel de la population de joueurs déjà formés ou en cours de formation qui pourraient faire l’objet d’un tel recrutement transfrontalier à un moment donné, même s’il existe aussi, à tout moment, un certain nombre de joueurs qui ne sont plus sous contrat pour une raison ou pour une autre. Or, comme il a été relevé aux points 81 et 129 du présent arrêt, la possibilité de recruter de tels joueurs constitue un paramètre de concurrence essentiel dans le secteur du football professionnel interclubs.
139 En effet, à moins de recevoir l’accord de l’ancien club dans le cadre d’un transfert négocié, le seul fait d’engager un tel joueur expose le nouveau club au risque d’être tenu solidairement et conjointement responsable du paiement d’une indemnité d’un montant potentiellement très important. En outre, le montant de cette indemnité présente un caractère hautement imprévisible pour le nouveau club compte tenu de la nature des critères en fonction desquels il est calculé. De surcroît, tant qu’il existe un litige entre le joueur concerné et son ancien club au sujet de la résiliation anticipée du contrat de travail qui les liait et donc tant que le CIT correspondant à cet engagement n’est pas délivré, ce joueur ne peut ni être enregistré auprès de ce nouveau club ni participer, pour son compte, à toute compétition relevant de la compétence de la FIFA, des associations nationales de football qui en sont membres ou des confédérations continentales, telle l’UEFA, qu’elle reconnaît. Enfin, à ces différents éléments s’ajoute le risque consistant, pour le nouveau club, à être condamné, dans le cas où le recrutement du joueur intervient pendant la période protégée du contrat qui liait celui-ci à son ancien club et où ce nouveau club ne parvient pas à renverser la présomption d’incitation à la rupture de contrat que ce recrutement conduit à lui appliquer, à une sanction sportive. Comme cela a été précédemment relevé, cette sanction sportive consiste à interdire audit nouveau club, de façon automatique, de procéder à l’enregistrement de tout autre nouveau joueur pendant deux périodes d’enregistrement complètes et consécutives. Ladite sanction sportive l’empêche, en pratique, d’aligner au cours d’un match tout autre nouveau joueur qu’il pourrait vouloir recruter, situation qui prive un tel recrutement de tout intérêt pratique effectif.
140 D’autre part, cette restriction généralisée et drastique de la concurrence transfrontalière entre clubs par le recrutement unilatéral de joueurs déjà engagés, donc de l’accès des clubs à l’essentiel des « ressources » que sont les joueurs, s’étend, d’un point de vue géographique, à l’intégralité du territoire de l’Union et présente, sur le plan temporel, un caractère permanent en ce qu’elle couvre l’intégralité de la durée de chacun des contrats de travail qu’un joueur peut conclure successivement avec un club, puis, en cas de transfert négocié vers un autre club, avec ce dernier, comme il ressort également de l’article 13 du RSTJ.
141 Compte tenu de l’ensemble de ses caractéristiques, ladite restriction assure ainsi, en pratique, à chaque club la certitude ou la quasi-certitude de conserver ses propres joueurs tant que le contrat ou la succession de contrats conclus avec ceux-ci n’est pas arrivé à son terme ou, préalablement à cette arrivée à terme, tant qu’il ne décide pas de s’en séparer dans le cadre d’une résiliation acceptée par le joueur ou d’un transfert négocié de celui-ci vers un autre club, moyennant le paiement d’une indemnité de transfert à ce dernier.
142 En ce qui concerne, en deuxième lieu, le contexte économique et juridique dans lequel s’insèrent les règles du RSTJ en cause au principal, il convient, tout d’abord, de rappeler que, compte tenu de la nature spécifique des « produits » que constituent les compétitions sportives, sous l’angle économique, il est loisible, de manière générale, à des associations qui sont responsables d’une discipline sportive d’adopter, de mettre en œuvre et de faire respecter des règles relatives, notamment, à l’organisation des compétitions dans cette discipline, à leur bon déroulement et à la participation des sportifs à celles-ci (arrêts du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 142, ainsi que du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, point 103 et jurisprudence citée).
143 S’agissant, plus spécifiquement, du football et des activités économiques auxquelles l’exercice de ce sport donne lieu, il est légitime, pour une association telle que la FIFA, de soumettre l’organisation et le déroulement des compétitions internationales à des règles communes destinées à garantir l’homogénéité et la coordination de ces compétitions au sein d’un calendrier annuel ou saisonnier d’ensemble ainsi que, plus largement, à promouvoir, de façon adéquate et effective, la tenue de compétitions sportives fondées sur l’égalité des chances et le mérite. En particulier, il est légitime, pour une telle association, d’encadrer, au moyen de telles règles communes, les conditions dans lesquelles les clubs de football professionnel peuvent composer les équipes participant à de telles compétitions ainsi que celles dans lesquelles les joueurs eux-mêmes peuvent prendre part à celles-ci. Enfin, il est légitime de s’assurer du respect effectif de ces règles communes au moyen de règles permettant d’infliger des sanctions (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, points 144 à 146, ainsi que du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, point 104).
144 Dans ce cadre, dès lors que le déroulement annuel ou saisonnier des compétitions de football professionnel interclubs est fondé, dans l’Union, sur l’affrontement et l’élimination progressive des équipes participantes et qu’il repose, par conséquent, essentiellement sur le mérite sportif, lequel ne peut être garanti que si toutes ces équipes s’affrontent dans des conditions réglementaires et techniques homogènes, assurant une certaine égalité des chances (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 143, ainsi que du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club, C-680/21, EU:C:2023:1010, point 105), il peut être légitime, pour une association telle que la FIFA, de chercher à assurer, dans une certaine mesure, la stabilité de la composition des effectifs de joueurs servant de vivier aux équipes qui sont composées par ces clubs au cours d’une saison donnée, par exemple en proscrivant, comme le fait l’article 16 du RSTJ, la résiliation unilatérale des contrats de travail en cours de saison, voire d’une année donnée.
145 En revanche, les spécificités du football et les conditions réelles de fonctionnement du marché que constituent, sous l’angle économique, l’organisation et la commercialisation des compétitions de football professionnel interclubs ne sauraient conduire à admettre que soit restreinte de façon généralisée, drastique et permanente, voire empêchée, sur l’intégralité du territoire de l’Union, toute possibilité pour les clubs de se livrer à une concurrence transfrontalière en recrutant unilatéralement des joueurs déjà engagés par un club établi dans un autre État membre ou des joueurs dont il est allégué que le contrat de travail avec un tel club a été rompu sans juste cause. Sous couvert de prévenir des pratiques de recrutement agressives, ces règles correspondent, en effet, à des accords de non-débauchage entre clubs qui, en substance, aboutissent à cloisonner artificiellement les marchés nationaux et locaux, au profit de l’ensemble des clubs. À cet égard, il importe de souligner que les mécanismes classiques du droit des contrats, tels que le droit à la perception, par le club, d’une indemnité en cas de rupture de contrat par un de ses joueurs, le cas échéant à l’instigation d’un autre club, en méconnaissance des stipulations de ce contrat, suffisent à assurer, d’une part, la présence durable de ce joueur dans le premier club cité, en fonction desdites stipulations, et, d’autre part, le jeu normal des règles du marché entre clubs, qui permettent à ceux-ci, à l’expiration de la durée normale du contrat ou plus tôt si un accord financier est conclu entre clubs, de procéder au recrutement dudit joueur.
146 En définitive, de telles règles, même si elles sont présentées comme visant à prévenir des pratiques de débauchage de joueurs de la part de clubs disposant de moyens financiers plus importants, sont assimilables à une interdiction générale, absolue et permanente du recrutement unilatéral de joueurs déjà engagés, imposée par voie de décision d’une association d’entreprises à l’ensemble des entreprises que sont les clubs de football professionnel et pesant sur l’ensemble des travailleurs que sont ces joueurs. Elles viennent ainsi figer la répartition de ces ressources entre ces clubs, sous réserve de transferts négociés entre ceux-ci. Elles constituent, à ce titre, une restriction patente de la concurrence à laquelle lesdits clubs pourraient se livrer en leur absence, aboutissant à un cloisonnement du marché au profit de l’ensemble de ces mêmes clubs.
147 Pour ce qui est, en troisième et dernier lieu, du but objectif que les règles en cause au principal visent à atteindre à l’égard de la concurrence, il découle des considérations qui précèdent que, indépendamment de l’intention subjective ou des objectifs légitimes qui sont susceptibles d’avoir animé ou d’avoir été poursuivis par l’entité qui les a adoptées, ces règles doivent être regardées comme visant à faire en sorte que, exception faite du cas des joueurs dont le contrat de travail a été rompu pour une juste cause ou résilié d’un commun accord avec leur ancien club, il devienne extrêmement difficile, compte tenu des risques d’ordre juridique, financier et sportif que cela impliquerait, pour les clubs de football professionnel, de se faire concurrence pour l’accès aux ressources essentielles que sont les joueurs déjà sous contrat, en recrutant unilatéralement un joueur engagé par un autre club ou un joueur dont il est allégué que le contrat a été rompu unilatéralement sans juste cause, un tel recrutement ne pouvant intervenir qu’au moyen d’un transfert négocié entre l’ancien club et le nouveau club.
148 Ainsi, l’examen de la teneur des règles en cause au principal, du contexte économique et juridique dans lequel elles s’insèrent et des buts objectifs qu’elles visent à atteindre fait apparaître que ces règles présentent, par leur nature même, un degré élevé de nocivité à l’égard de la concurrence à laquelle pourraient se livrer les clubs de football professionnel en recrutant unilatéralement des joueurs déjà engagés par un club ou des joueurs dont il est allégué que le contrat de travail a été rompu sans juste cause, donc en cherchant à avoir accès aux ressources essentielles à leur succès que sont ces joueurs de haut niveau. Dans ces conditions, ces règles doivent être considérées comme ayant pour objet de restreindre, voire d’empêcher, ladite concurrence, et cela sur l’intégralité du territoire de l’Union. Partant, il n’est pas nécessaire d’en examiner les effets.
e) Sur la possibilité de considérer certains comportements spécifiques comme ne relevant pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE
149 Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que tout accord entre entreprises ou toute décision d’association d’entreprises qui limite la liberté d’action des entreprises parties à cet accord ou soumises au respect de cette décision ne tombe pas nécessairement sous le coup de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. En effet, l’examen du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrivent certains de ces accords et certaines de ces décisions peut conduire à constater, premièrement, que ceux-ci se justifient par la poursuite d’un ou de plusieurs objectifs légitimes d’intérêt général dénués, en soi, de caractère anticoncurrentiel, deuxièmement, que les moyens concrets auxquels il est recouru pour poursuivre ces objectifs sont véritablement nécessaires à cette fin et, troisièmement, que, même s’il s’avère que ces moyens ont pour effet inhérent de restreindre ou de fausser, à tout le moins potentiellement, la concurrence, cet effet inhérent ne va pas au-delà du nécessaire, en particulier en éliminant toute concurrence (arrêts du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 183 et jurisprudence citée, ainsi que du 25 janvier 2024, Em akaunt BG, C-438/22, EU:C:2024:71, point 30).
150 Toutefois, cette jurisprudence ne saurait trouver à s’appliquer en présence de comportements qui, loin de se borner à avoir pour « effet » inhérent de restreindre, à tout le moins potentiellement, la concurrence en limitant la liberté d’action de certaines entreprises, présentent, à l’égard de cette concurrence, un degré de nocivité justifiant de considérer qu’ils ont pour « objet » même de l’empêcher, de la restreindre ou de la fausser (arrêts du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 186, et du 25 janvier 2024, Em akaunt BG, C-438/22, EU:C:2024:71, point 32). En effet, le degré de nocivité de ces comportements à l’égard de la concurrence, donc le préjudice direct ou indirect qu’ils sont susceptibles de causer aux utilisateurs et aux consommateurs intermédiaires ou finals sur les différents secteurs ou marchés concernés, est trop important pour permettre de les considérer comme étant justifiés et proportionnés.
151 S’agissant des comportements ayant pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, c’est donc uniquement en application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE et pour autant que l’ensemble des conditions prévues par cette disposition soient respectées qu’ils peuvent se voir octroyer le bénéfice d’une exemption de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 187, et du 25 janvier 2024, Em akaunt BG, C-438/22, EU:C:2024:71, point 33).
152 En l’occurrence, compte tenu des considérations figurant aux points 134 à 148 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que la jurisprudence rappelée au point 149 de cet arrêt ne trouve pas à s’appliquer en présence de règles telles que celles en cause au principal.
2. Sur l’article 101, paragraphe 3, TFUE
153 Il résulte du libellé même de l’article 101, paragraphe 3, TFUE que tout accord, toute décision d’association d’entreprises ou toute pratique concertée qui s’avère contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, que ce soit en raison de son objet ou de son effet anticoncurrentiel, peut bénéficier d’une exemption s’il remplit l’ensemble des conditions prévues à cette fin, étant observé que ces conditions sont plus strictes que celles visées au point 149 du présent arrêt (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 189 et jurisprudence citée).
154 Conformément à l’article 101, paragraphe 3, TFUE, le bénéfice de cette exemption, dans un cas donné, est soumis à quatre conditions cumulatives. Premièrement, il doit être établi, avec un degré de probabilité suffisant, que l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause doit permettre de réaliser des gains d’efficacité, en contribuant soit à améliorer la production ou la distribution des produits ou des services concernés, soit à promouvoir le progrès technique ou économique. Deuxièmement, il doit être établi, dans la même mesure, qu’une partie équitable du profit qui résulte de ces gains d’efficacité est réservée aux utilisateurs. Troisièmement, l’accord, la décision ou la pratique en cause ne doit pas imposer aux entreprises participantes des restrictions qui ne sont pas indispensables pour réaliser de tels gains d’efficacité. Quatrièmement, cet accord, cette décision ou cette pratique ne doit pas donner aux entreprises participantes la possibilité d’éliminer toute concurrence effective pour une partie substantielle des produits ou des services concernés (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 190 et jurisprudence citée).
155 Le non-respect d’une de ces quatre conditions cumulatives suffit pour exclure que le comportement en cause puisse bénéficier de l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 208).
156 À cet égard, pour ce qui est de la troisième condition, relative au caractère indispensable ou nécessaire du comportement en cause, elle implique d’apprécier et de comparer l’incidence respective de ce comportement et des mesures alternatives réellement envisageables, en vue de déterminer si les gains d’efficacité attendus dudit comportement peuvent être réalisés par des mesures moins restrictives pour la concurrence. En revanche, elle ne saurait conduire à opérer, en opportunité, un choix entre un tel comportement et de telles mesures alternatives dans l’hypothèse où ces dernières n’apparaîtraient pas moins restrictives pour la concurrence (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, EU:C:2023:1011, point 197).
157 Pour déterminer si cette troisième condition est respectée en l’occurrence, la juridiction de renvoi devra prendre en considération, d’une part, la circonstance, relevée aux points 105 à 112 du présent arrêt, que les règles du RSTJ en cause au principal se caractérisent par une combinaison d’éléments dont un nombre significatif présente un caractère discrétionnaire et/ou disproportionné. En outre, elle devra tenir compte de la circonstance, relevée aux points 138 à 140, 145 et 146 de cet arrêt, que ces règles prévoient une restriction généralisée, drastique et permanente de la concurrence transfrontalière à laquelle pourraient se livrer les clubs de football professionnel en procédant au recrutement unilatéral de joueurs de haut niveau. En effet, chacune de ces deux circonstances, prise isolément, exclut, à première vue, de considérer lesdites règles comme étant indispensables ou nécessaires pour permettre de réaliser des gains d’efficacité, à supposer ceux-ci établis.
3. Conclusion
158 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question préjudicielle, en tant qu’elle porte sur l’interprétation de l’article 101 TFUE, que cet article doit être interprété en ce sens que des règles qui ont été adoptées par une association de droit privé ayant pour buts, notamment, de réglementer, d’organiser ainsi que de contrôler le football au niveau mondial, et qui prévoient :
– premièrement, qu’un joueur professionnel partie à un contrat de travail, auquel est imputée une rupture sans juste cause de ce contrat, et le nouveau club qui l’engage à la suite de cette rupture sont solidairement et conjointement responsables du paiement d’une indemnité, due à l’ancien club pour lequel ce joueur travaillait et devant être fixée sur la base de critères tantôt imprécis ou discrétionnaires, tantôt dépourvus de lien objectif avec la relation de travail concernée et tantôt disproportionnés ;
– deuxièmement, que, dans le cas où l’engagement du joueur professionnel intervient pendant une période protégée en vertu du contrat de travail qui a été rompu, le nouveau club encourt une sanction sportive consistant en une interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs pendant une période déterminée, sauf s’il démontre qu’il n’a pas incité ce joueur à rompre ce contrat, et
– troisièmement, que l’existence d’un litige lié à cette rupture de contrat fait obstacle à ce que l’association nationale de football dont est membre l’ancien club délivre le CIT nécessaire à l’enregistrement du joueur auprès du nouveau club, avec pour conséquence que ce joueur ne peut pas participer à des compétitions de football pour le compte de ce nouveau club,
constituent une décision d’association d’entreprises qui est interdite par le paragraphe 1 de cet article et qui ne peut bénéficier d’une exemption au titre du paragraphe 3 dudit article que s’il est démontré, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que toutes les conditions requises à cette fin sont remplies.
Sur les dépens
159 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
1) L’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des règles qui ont été adoptées par une association de droit privé ayant pour buts, notamment, de réglementer, d’organiser ainsi que de contrôler le football au niveau mondial, et qui prévoient :
– premièrement, qu’un joueur professionnel partie à un contrat de travail, auquel est imputée une rupture sans juste cause de ce contrat, et le nouveau club qui l’engage à la suite de cette rupture sont solidairement et conjointement responsables du paiement d’une indemnité due à l’ancien club pour lequel ce joueur travaillait et devant être fixée sur la base de critères tantôt imprécis ou discrétionnaires, tantôt dépourvus de lien objectif avec la relation de travail concernée et tantôt disproportionnés ;
– deuxièmement, que, dans le cas où l’engagement du joueur professionnel intervient pendant une période protégée en vertu du contrat de travail qui a été rompu, le nouveau club encourt une sanction sportive consistant en une interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs pendant une période déterminée, sauf s’il démontre qu’il n’a pas incité ce joueur à rompre ce contrat, et
– troisièmement, que l’existence d’un litige lié à cette rupture de contrat fait obstacle à ce que l’association nationale de football dont est membre l’ancien club délivre le certificat international de transfert nécessaire à l’enregistrement du joueur auprès du nouveau club, avec pour conséquence que ce joueur ne peut pas participer à des compétitions de football pour le compte de ce nouveau club,
à moins qu’il ne soit établi que ces règles, telles qu’interprétées et appliquées sur le territoire de l’Union européenne, ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire à la poursuite de l’objectif consistant à assurer la régularité des compétitions de football interclubs, en maintenant un certain degré de stabilité dans les effectifs des clubs de football professionnel.
2) L’article 101 TFUE doit être interprété en ce sens que de telles règles constituent une décision d’association d’entreprises qui est interdite par le paragraphe 1 de cet article et qui ne peut bénéficier d’une exemption au titre du paragraphe 3 dudit article que s’il est démontré, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que toutes les conditions requises à cette fin sont remplies.
Signatures
* Langue de procédure : le français.