L’Italia ha violato il diritto al rispetto della vita privata previsto dall’art. dell’art. 8 della Convenzione europea dei diritti dell'uomo.
È quanto stabilito dalla Prima Sezione della Corte Europea dei diritti dell’uomo (CEDU) con la sentenza del 6 luglio 2023 (ricorso n. 46412/21).
Il caso di specie riguardava di una persona anziana sottoposta ad amministrazione di sostegno a causa della sua condizione di prodigalità e di indebolimento fisico e mentale. Sebbene l'obiettivo delle autorità fosse la protezione del benessere del beneficiario, la Corte ha stabilito che le misure adottate sono state sproporzionate rispetto alle circostanze individuali e hanno invaso la vita privata del soggetto, oltrepassando il margine di apprezzamento concesso alle autorità nazionali.
Il giudice tutelare, su richiesta dell'amministratore di sostegno, aveva ordinato il ricovero della persona anziana in una struttura di assistenza residenziale (RSA). Nonostante il collocamento nella struttura avrebbe dovuto essere provvisorio e il desiderio espresso più volte dalla persona anziana di tornare a casa, questa è rimasta all'interno della struttura per circa tre anni, in isolamento e con limitate possibilità di comunicazione con familiari ed amici, essendo tenuta a farlo solo attraverso l'amministratore di sostegno.
Secondo i giudici di Strasburgo, le autorità italiane hanno abusato della flessibilità dell'amministrazione di sostegno per perseguire obiettivi che la legge italiana riserva al trattamento sanitario obbligatorio (TSO), il quale è soggetto a rigorosi limiti di applicazione.
La sentenza della CEDU evidenzia inoltre come, benchè il ricorrente non fosse stato dichiarato incapace e mostrasse una buona capacità di socializzazione secondo le consulenze, le autorità non abbiano adottato misure per preservare le sue relazioni familiari e sociali o favorire il suo ritorno a casa. Inoltre, non hanno fornito spiegazioni sulle ragioni per cui ogni incontro doveva essere autorizzato dal giudice tutelare o dall'amministratore di sostegno.
La Corte ha ribadito che quando sono coinvolte questioni rilevanti per la vita privata di una persona, il giudice deve valutare attentamente tutti i fattori pertinenti per determinare la proporzionalità delle misure da adottare, garantendo all'interessato la possibilità di esprimere la propria volontà.
Cour européenne des droits de l’homme
PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE CALVI ET C.G. c. Italie
(Requête no 46412/21)
ARRÊT
Art 8 • Mise sous protection juridique d’une personne âgée et placement dans une maison de retraite médicalisée en isolement social du monde extérieur durant trois ans • Mesure basée sur sa prodigalité excessive et son affaiblissement physique et psychique, sans être déclarée incapable • Intéressé sous l’entière dépendance de son administrateur de soutien dans presque tous les domaines et sans limite de durée • Contournement de l’encadrement législatif de la procédure initiale de prise en charge médicale obligatoire par un recours abusif à l’administration de soutien • Absence d’examen concret et attentif de tous les aspects pertinents de la situation particulière de l’intéressé • Absence de mesures en vue du maintien de ses relations sociales et pour favoriser son retour à son domicile • Absence de garanties effectives pour prévenir les abus et assurer la prise en compte des droits, volonté et préférences de l’intéressé • États tenus de favoriser la participation des personnes handicapées ou des personnes âgées « dépendantes » à la vie de la communauté et de prévenir leur isolement ou ségrégation • Mesure ni proportionnée ni adaptée à la situation individuelle de l’intéressé • Marge d’appréciation outrepassée
Art 34 • Locus standi • Qualité d’un proche (cousin) pour soulever des griefs au nom de l’intéressé dans une situation ne lui permettant pas de présenter directement la requête devant la Cour • Circonstances exceptionnelles • Pouvoir de substitution de l’administrateur de soutien à l’égard de l’intéressé • Grief portant sur les restrictions imposées par l’administrateur avec l’aval du juge des tutelles • Risque avéré de privation d’une protection effective quant aux droits de l’intéressé tirés de la Convention • Questions graves soulevées sur les conditions de vie des personnes âgées dans les maisons de retraite, revêtant un caractère d’intérêt général étant donné leur vulnérabilité
STRASBOURG
6 juillet 2023
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Calvi et C.G. c. Italie,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une Chambre composée de :
Marko Bošnjak, président,
Alena Polácková,
Krzysztof Wojtyczek,
Ivana Jelic,
Gilberto Felici,
Erik Wennerström,
Raffaele Sabato, juges,
et de Renata Degener, greffière de section,
Vu :
la requête (no 46412/21) dirigée contre la République italienne et dont deux ressortissants italiens, MM. Augusto Calvi et C.G. (« les requérants »), ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 20 septembre 2021,
la décision de porter à la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement ») les griefs fondés sur les article 5 § 1 e) et 8 de la Convention,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 juin 2023,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La requête porte sur la mise sous protection juridique du requérant C.G. et sur l’isolement social qui a découlé de son placement dans une maison de retraite médicalisée (residenza sanitaria assistenziale, (« RSA ») ci-après « maison de retraite médicalisée »). Sont en cause les articles 5 et 8 de la Convention.
EN FAIT
2. M. Augusto Calvi (« le premier requérant ») agit dans la présente procédure en son propre nom et au nom de son cousin C. G. (« le deuxième requérant »), lequel fait l’objet d’une mesure de protection juridique mise en place par le juge des tutelles et se trouve placé depuis le 30 octobre 2020 dans un établissement médicalisé pour personnes âgées dépendantes. Les requérants sont nés respectivement en 1956 et en 1930 et résident à Lecco. Ils ont été représentés par Me M. Alfano, avocat.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M.L. D’Ascia, avocat d’État.
4. En 2017, la sœur du deuxième requérant saisit le juge des tutelles de Milan d’une demande tendant à la désignation d’un administrateur de soutien (amministratore di sostegno[1]) qui fût chargé de se substituer à l’intéressé dans l’exercice de certains droits et de l’assister pour d’autres. Elle faisait valoir que son frère était âgé et que, bien qu’étant en mesure de s’occuper de lui-même, il faisait preuve d’un comportement relevant de la prodigalité.
5. Par une décision du 9 mai 2017, après avoir constaté la prodigalité du deuxième requérant, qui ne semblait pas être pleinement conscient des situations gravement préjudiciables dans lesquelles il pouvait se trouver, le juge des tutelles considéra qu’une mesure d’administration de soutien (amministrazione di sostegno) constituerait une protection adéquate. Il releva que le deuxième requérant suivait les préceptes « franciscains », vivant dans la simplicité et donnant son argent à ceux qui en avaient besoin, mais qu’il était dans l’incapacité de gérer les limites de cette pratique, ce qui le plaçait en situation de vulnérabilité.
6. Estimant qu’il n’était pas nécessaire de recourir à des mesures plus contraignantes prévoyant une interdiction ou une incapacité, il nomma l’avocat B. en tant qu’administrateur de soutien aux fins d’administration du patrimoine de l’intéressé.
7. Le 4 décembre 2017, une expertise psychologique fut réalisée concernant le deuxième requérant. L’expert conclut qu’il n’avait constaté aucun élément justifiant une prise en charge psychiatrique, précisant que l’intéressé n’était pas atteint de psychopathologie.
8. Le 3 janvier 2018, le deuxième requérant fut soumis à une seconde expertise. Le bilan cognitif indiqua que les fonctions exécutives et les processus cognitifs et motivationnels nécessaires à la réalisation d’actes quotidiens ordinaires et extraordinaires étaient intacts.
9. Le 31 janvier 2018, un autre administrateur de soutien fut nommé à la place du précédent.
10. Le 31 octobre 2018, à la suite d’une nouvelle expertise psychologique, l’expert ayant examiné le deuxième requérant releva l’existence d’un trouble de la personnalité narcissique ayant atteint un niveau tel qu’il affectait, même si c’était de manière partielle, sa capacité à se prendre en charge et à accomplir certaines démarches.
11. Le 6 novembre 2018, le deuxième requérant et sa sœur demandèrent au juge de mettre fin à la mesure de protection, faisant état d’une modification des conditions qui avaient justifié son application.
12. Le 5 novembre 2019, un rapport des services sociaux conclut à la nécessité de l’intervention d’un administrateur en soutien du deuxième requérant dans différents aspects de sa vie.
13. Le 12 février 2020, un rapport des services sociaux fut déposé au greffe du tribunal. Selon ce document, l’intéressé était attristé de ne pouvoir gérer son patrimoine comme il le souhaitait et de devoir se soumettre aux décisions du juge, ce dont il tenait pour responsable sa sœur, avec laquelle il n’avait plus de contacts depuis des années et envers laquelle il éprouvait de la rancune. Les services sociaux indiquaient en outre qu’il ne comprenait pas qu’il fût exposé à des risques d’abus de faiblesse en raison de sa générosité, qu’il avait refusé d’être aidé relativement à l’insalubrité de l’endroit où il vivait, et qu’il se déplaçait à vélo alors qu’il était presque aveugle.
En conclusion, ils estimaient qu’il fallait préserver le deuxième requérant et ils préconisaient la réalisation d’une expertise psychiatrique.
14. Le jour même, le juge des tutelles désigna un expert chargé, d’une part, d’évaluer les conditions de vie et de santé de l’intéressé, d’autre part, d’établir s’il souffrait d’une pathologie d’ordre psychophysique et, le cas échéant, si celle-ci était de nature à affecter ses capacités et, enfin, de se prononcer sur le point de savoir si la nomination d’un administrateur de soutien était toujours pertinente dans le cas d’espèce.
15. Par une décision du 27 mai 2020, le juge des tutelles étendit les pouvoirs de l’administrateur de soutien de C. G. à tous les aspects des soins personnels de celui-ci, relevant que sa sécurité physique et son bien-être étaient gravement compromis et qu’il tenait des propos confus et contradictoires. En particulier, il autorisa l’administrateur de soutien à s’occuper, au nom de l’intéressé, de toutes les tâches le concernant, le chargeant notamment de décider de la solution de logement la plus appropriée à sa situation et de veiller à ce qu’il reçût des soins et un traitement tenant compte de ses besoins et de ses aspirations. En vertu de ladite décision, l’administrateur devait également entretenir des relations avec l’autorité sociale et sanitaire et exprimer les consentements et autorisations requis relativement aux actions nécessaires à la protection du bien-être et de la santé de C. G., le juge précisant à cet effet qu’un placement dans un établissement de soins et d’hospitalisation approprié pouvait être, le cas échéant, envisagé, à charge alors pour l’administrateur de formuler le consentement au nom de l’intéressé.
16. Un rapport médical établi en juin 2020 indiqua que C. G. ne semblait souffrir d’aucune pathologie psychique, qu’il avait conservé sa capacité de jugement, notamment celle de discerner les conséquences civiles et pénales de ses actes, et qu’aucune détérioration mentale ou cognitive n’avait été constatée.
17. En revanche, selon une expertise réalisée le 24 septembre 2020 à la demande du juge des tutelles, l’intéressé manifestait un trouble de la personnalité obsessionnelle-compulsive, auquel s’ajoutaient des aspects dépressifs, il se trouvait dans un état de mal être en raison de demandes d’argent qui lui parvenaient et ses conditions de vie, dont notamment les conditions d’hygiène, étaient très insuffisantes. L’expert estimait en conséquence qu’il était indispensable de le placer dans une maison de retraite médicalisée, cette mesure étant selon lui la seule à même de le protéger. Il indiquait en outre que ses biens immeubles étaient encore occupés par des tiers.
18. Le 2 octobre 2020, un autre administrateur de soutien fut nommé en remplacement du précédent.
19. Selon un rapport établi ultérieurement, le 8 octobre 2020, ladite proposition de placement en maison de retraite médicalisée résultait d’une réflexion longue et attentive et elle découlait de l’observation de l’échec de tous les projets précédemment mis en œuvre pour sauvegarder et protéger l’intégrité physique du deuxième requérant.
20. Le 26 octobre 2020, l’administrateur de soutien sollicita du juge des tutelles l’autorisation de faire admettre C. G. dans une maison de retraite médicalisée avec l’aide de la force publique, expliquant que l’intéressé n’avait plus de médecin généraliste ni de carte vitale et qu’une procédure pénale avait été engagée contre ses aides à domicile pour abus de faiblesse. Il préconisait en conséquence que C. G. fût soumis à une visite médicale puis placé dans une maison de retraite médicalisée, et demandait au juge de lui octroyer le pouvoir de recourir à la force publique au cas où les circonstances le requerraient.
21. Le même jour, le juge autorisa l’administrateur à prendre les mesures nécessaires pour placer C. G. en maison de retraite médicalisée.
22. Le lendemain, 27 octobre 2020, l’administrateur, accompagné du médecin E.M. et de carabiniers, se présenta chez l’aide à domicile de l’intéressé. Ce dernier, informé de la décision de placement qui avait été prise le concernant, manifesta son opposition à ladite mesure. Toutefois, après avoir retrouvé son calme, il accepta de suivre le médecin pour se soumettre à un contrôle médical, ne consentant à intégrer une maison de retraite médicalisée qu’à titre provisoire et dans la perspective d’un retour ultérieur chez lui. Deux jours plus tard, il commença à refuser la nourriture, à l’exception du pain et de l’eau, afin de protester contre son placement.
23. Selon un rapport envoyé par l’administrateur au juge, l’intéressé eut un entretien téléphonique avec le premier requérant le 21 novembre 2020, en présence d’une assistante sociale. Il leur aurait déclaré qu’il était bien traité mais désirait rentrer chez lui et que, son avocat étant selon lui en train de faire le nécessaire à cette fin, il ne souhaitait pas qu’il fût fait appel à un autre conseil.
24. Quelques jours auparavant, le 17 novembre 2020, une équipe de tournage d’une émission télévisée, « Le Iene », avait réalisé un reportage qui questionnait la légalité du placement en maison de retraite médicalisée du deuxième requérant et qui fit l’objet d’une diffusion nationale. L’administrateur décida en conséquence d’empêcher toute communication directe entre C. G. et des tiers, à l’exception du maire de la ville de A.
25. Le 26 novembre 2020, le juge des tutelles, prenant en considération ladite décision de l’administrateur, qui visait à protéger l’intéressé de la divulgation de son histoire personnelle et des répercussions médiatiques du reportage diffusé, ainsi que l’expertise susmentionnée du 8 octobre 2020, qui avait suggéré qu’il fût procédé à une réévaluation psychiatrique de C.G., interdit à son tour toute rencontre et conversation téléphonique de tiers avec le deuxième requérant, sauf volonté contraire de celui-ci.
26. Il ressort du dossier que le 15 décembre 2020, le deuxième requérant fut entendu par le juge des tutelles.
27. Le 7 janvier 2021, le premier requérant et la sœur de celui-ci sollicitèrent du juge des tutelles l’autorisation de rendre visite à C. G. dans la maison de retraite médicalisée où il était placé.
28. Le 8 janvier 2021, le juge des tutelles mandata un expert en vue d’une évaluation de la situation clinique de l’intéressé, demandant en outre que lui fût fourni tout renseignement utile.
29. Le 9 janvier 2021, le juge autorisa la visite des proches de C. G. sous réserve du consentement des responsables de la structure ou de l’administrateur, précisant que les conditions de la rencontre devraient le cas échant être fixées par la structure.
30. Le 13 janvier 2021, le premier requérant fut informé du refus de sa visite par l’intéressé, celui-ci ayant écrit une lettre dans laquelle il faisait part de son souhait de voir sa situation ne plus faire l’objet d’une médiatisation ainsi que de son désir de rentrer chez lui, indiquant qu’il serait alors disposé à recevoir les membres de sa famille dans sa ville.
31. Le 28 janvier 2021, le premier requérant et sa sœur saisirent à nouveau le juge des tutelles, arguant que le deuxième requérant n’avait jamais affirmé, dans sa lettre, ne pas vouloir les rencontrer et qu’ils s’engageaient le cas échéant à respecter la confidentialité d’un entretien avec lui.
32. Le 2 février 2021, l’expert désigné (paragraphe 28 ci-dessus) déposa son rapport. Il y faisait état d’une amélioration de l’état physique de C. G., mais relevait une persistance de ses difficultés d’ordre psychologique.
33. Le 5 février 2021, le deuxième requérant écrivit une autre lettre au premier requérant et à sa sœur. Il les remerciait de l’intérêt qu’ils lui avaient porté, les informait que quelqu’un s’occupait de son affaire et qu’il avait l’espoir que la presse l’oubliât et il leur promettait de se rendre chez eux une fois sorti de la maison de retraite médicalisée.
34. Par une décision du 13 février 2021, le juge des tutelles rejeta la demande de contact des intéressés au motif que le deuxième requérant n’avait pas exprimé le souhait de les rencontrer, que l’administrateur avait indiqué qu’il ne voulait les recevoir qu’une fois rentré chez lui, et qu’il refusait que sa situation personnelle fût médiatisée.
35. Le 17 mars 2021, le premier requérant introduisit une nouvelle demande auprès du juge des tutelles. Il fit valoir que deux mois s’étaient écoulés depuis la décision du juge et que la situation pouvait avoir changé, et il sollicita un contact téléphonique avec le deuxième requérant ainsi que la détermination par le juge des modalités de son placement en maison de retraite médicalisée, notamment concernant la durée de celui-ci.
36. Le 18 mars 2021, le Garant national des droits des personnes détenues (Garante Nazionale dei diritti delle persone detenute o private della libertà personale, « le Garant national ») adressa au parquet du Tribunal de Lecco une Recommandation par laquelle il l’invitait à considérer l’opportunité de demander au juge des tutelles une réévaluation complète du contexte de vie du deuxième requérant dans la perspective d’une cessation de son enfermement dans la maison de retraite médicalisée. Le Garant national portait à l’attention du parquet plusieurs problématiques découlant de la mesure de protection ouverte par le tribunal de Lecco en 2017 et de l’hospitalisation du deuxième requérant en maison de retraite médicalisée, recommandant la révision des mesures adoptées pour sa protection et la détermination pour l’avenir d’un dispositif de soutien plus approprié.
La Recommandation se lisait ainsi en ses passages pertinents en l’espèce :
« Le document concerne tout d’abord les mesures mises en œuvre au titre de l’administration de soutien qui relèvent de la compétence du Garant national. Il [porte, à cet égard, sur] l’autonomie de décision de C.G. concernant ses propres choix de vie face aux événements qui l’ont vu être soumis d’abord à une administration de soutien de plus en plus intrusive quant à ces choix, puis à une hospitalisation en maison de retraite médicalisée à laquelle il s’est opposé à plusieurs reprises. Une hospitalisation qui, dès le départ, est apparue comme une mesure ségrégative, non seulement en raison de l’absence d’alternative préalable [offerte au] requérant, mais aussi en raison de la privation de tout contact avec le monde extérieur, apparemment imposée par les responsables de l’établissement. Toute communication avec l’extérieur doit en effet faire l’objet d’un filtrage par l’administrateur du centre. Une hospitalisation initialement indiquée comme étant une mesure temporaire propre à amorcer un projet de retour au domicile, [mais] qui dure déjà depuis plus de cinq mois et, à la connaissance du Garant national, dans les mêmes conditions compromettant fortement la protection des principes relatifs à l’autodétermination et à la liberté de faire ses propres choix, y compris le droit au soutien de l’exercice de sa propre capacité.
Ce document concerne en deuxième lieu l’étendue du mandat de l’administrateur de soutien, élargi [par] le décret du juge des tutelles du 28 mai 2020 au pouvoir, attribué exclusivement, de procéder à toutes les tâches liées à la prise en charge du bénéficiaire d’un point de vue personnel et de décider de la solution de logement ou d’hébergement la plus appropriée, en tenant compte [des] besoins et [des] aspirations [de l’intéressé].
À cet égard, le Garant national souligne dans sa Recommandation au parquet que les indications issues du rapport des services sociaux du 5 novembre 2019, sur lesquelles se fondait l’élargissement des pouvoirs de l’administrateur de soutien, auraient dû au contraire être prises en considération par le juge des tutelles et par l’administrateur de soutien lui-même aux fins de l’élaboration d’un "projet de vie" visant à soutenir de manière appropriée le parcours de vie de C.G. Un objectif qui aurait certainement été rendu possible par le recours à un service public conventionné de soins à domicile qui aurait été en mesure de garantir à la fois une assistance matérielle hygiénique personnelle quotidienne et une évaluation médicale et paramédicale régulière.
Enfin, en ce qui concerne la poursuite de l’hospitalisation qui avait été présentée comme temporaire, le Garant national, tout en ayant égard au besoin compréhensible d’un délai pour constituer et coordonner le dossier, s’étonne, dans la présente Recommandation, du fait que l’administrateur de soutien ait laissé s’écouler plus de cinq mois et demi après l’admission de C.G. en maison de retraite médicalisée sans évoquer concrètement la perspective d’un retour à [son] domicile.
Un délai qui, de l’avis du Garant national, rend aujourd’hui tardive la préparation d’un nouveau projet d’hébergement et d’accompagnement répondant aux attentes de C.G., avec l’implication du service social territorial et des réseaux de proximité. L’absence de plans clairs en vue du retour de C.G. dans son environnement domestique et aux fins de la gestion de sa vie quotidienne induit en fait, malgré toutes les précautions prises par ailleurs, le risque d’une prolongation durable d’un enfermement injustifié, avec une atteinte évidente à la liberté d’autodétermination [de l’intéressé] en ce qui concerne son corps, sa résidence et, en fin de compte, son intégrité physique et psychique, constitutive d’une forme de restriction de liberté dépourvue de base constitutionnelle.
C’est pour cette raison que le présent document à l’adresse du parquet conclut en recommandant à celui-ci de considérer l’opportunité d’exercer ses prérogatives pour demander au juge des tutelles une réévaluation complète du contexte de vie de C.G. dans la perspective d’une cessation de son enfermement en maison de retraite médicalisée et, le cas échéant, [pour prononcer] la révocation ou le remplacement de l’administrateur de soutien, ou, à tout le moins, une modification des prescriptions, limitations et solutions actuellement en place, étant donné qu’elles se sont avérées inadaptées pour protéger pleinement le bénéficiaire et qu’elles ont, au contraire, [entraîné] l’altération de son autonomie décisionnelle dans l’exercice de droits fondamentaux tels que le choix autonome de la résidence et la pleine liberté de communiquer et d’établir des relations sociales avec d’autres personnes
(...) ».
37. Par une décision du 23 mars 2021, le juge des tutelles rejeta la demande du premier requérant (paragraphe 35 ci-dessus).
38. Le 3 mai 2021, le Garant national effectua une visite dans la maison de retraite médicalisée où le deuxième requérant se trouvait. À cette occasion, il souligna que son placement avait été décidé contre la volonté de l’intéressé et qu’il limitait fortement sa liberté personnelle et il appela les autorités à prendre des mesures propres à atténuer son isolement et à assurer sa sortie de la structure à bref délai en vue de la réintégration de son domicile.
39. Par une décision du 21 mai 2021, le juge des tutelles se prononça sur le recours que le premier requérant avait formé afin d’obtenir des informations quant aux modalités de sortie du deuxième requérant.
Il releva que la situation clinique de l’intéressé n’était pas stable, qu’une procédure pénale pour abus de faiblesse à son détriment était encore pendante, que ses biens immeubles étaient toujours occupés et qu’il s’était opposé aux autres solutions de logement qui lui avaient été proposées, ajoutant qu’il était désormais bien inséré dans la maison de retraite médicalisée, où il socialisait avec les autres résidants, et qu’il avait à sa disposition un téléphone portable lui permettant d’appeler les personnes qu’il souhaitait rencontrer.
40. Le 18 octobre 2021, le juge des tutelles ordonna une nouvelle expertise psychiatrique de C. G. Dans son rapport du 7 novembre 2021, l’expert constata une amélioration des conditions physiques de l’intéressé, qu’il attribua en partie à la kinésithérapie. Il releva qu’il participait volontiers à toutes les activités proposées même s’il persistait à demander à rentrer chez lui, et il nota qu’après avoir été informé de la médiatisation de son placement en maison de retraite médicalisée, il avait exprimé le souhait que sa vie ne fût pas rendue publique. En ce qui concerne le tableau psychique, il indiqua qu’une légère aggravation de la situation avait été mise en évidence concernant les aspects interprétatifs et persécutoires, lesquels selon lui pouvaient avoir été en partie exacerbés par le placement en maison de retraite médicalisée, que le requérant avait perçu comme coercitif. L’expert préconisait l’attribution de petites tâches propres à le motiver et le gratifier afin qu’il se sentît utile et important au sein de la maison de retraite médicalisée, ainsi que l’organisation de sorties dans des lieux présentant un intérêt pour lui quand les conditions nécessaires et indispensables étaient remplies. Il conclut qu’il était souhaitable de prévoir un retour progressif de C. G. à son domicile grâce à l’accompagnement d’un éducateur et d’un psychologue, précisant que ce projet devrait impliquer l’intervention des services sociaux, être prolongé dans le temps et assorti d’un suivi constant.
41. Le 18 décembre 2021, le Garant national se déplaça de nouveau dans la maison de retraite médicalisée où le deuxième requérant demeurait. Il prit acte de l’atténuation des mesures d’isolement social auxquelles l’intéressé avait été soumis pendant plus de douze mois et préconisa l’aménagement de moments de rencontre de plus en plus fréquents en vue du maintien de ses relations sociales. Il confirma cependant l’existence de problèmes liés à un placement inadéquat de C. G. en maison de retraite médicalisée et recommanda la mise en place d’un dispositif adapté à ses besoins spécifiques.
42. Le 6 juin 2022, le juge pour les investigations préliminaires de Brescia classa sans suite une plainte qui avait été déposée contre le juge des tutelles pour abus de pouvoir.
43. Le 12 février 2023, le Garant national effectua une nouvelle visite dans la maison de retraite médicalisée où se trouvait le deuxième requérant.
44. Le 13 février 2023, il rencontra le maire de la commune d’A., l’adjointe au maire et le chef des services sociaux afin de s’entretenir avec eux de la nécessité d’adopter une planification efficace propre à assurer l’équilibre requis entre le besoin de protection de l’intéressé et ses aspirations subjectives.
45. La Cour n’a pas été informée d’éventuelles suites données par le parquet à la recommandation du Garant national du 18 mars 2021 (paragraphe 35, ci-dessus). Elle a en revanche été avisée qu’une procédure pénale pour violation de domicile avait été menée contre une tierce personne soupçonnée d’être entrée dans la maison de retraite médicalisée et d’y avoir rencontré le deuxième requérant sans l’autorisation de l’administrateur de soutien. A la suite de l’enquête, en juin 2023, cette personne avait été condamnée à un an et dix mois d’emprisonnement.
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE PERTINENTS
LE REGIME JURIDIQUE INTERNE
46. La loi no 6 du 9 janvier 2004, entrée en vigueur le 19 mars 2004, a réformé les dispositions du code civil consacrées à la protection des majeurs en modifiant certains des articles relatifs à la tutelle et à la curatelle et en introduisant une nouvelle mesure de protection, « l’administration de soutien ».
47. Selon l’article 1er de ladite loi, cette mesure concerne des personnes partiellement ou totalement privées de leur autonomie et vise à leur procurer un soutien dans l’accomplissement des actes liés à la vie quotidienne tout en limitant le moins possible leur capacité d’exercice.
Elle a pour objet de protéger les individus qu’un handicap ou un affaiblissement, qu’il soit d’ordre physique ou mental, met dans l’impossibilité, même partielle ou temporaire, de veiller à leurs intérêts.
Elle est prononcée par le juge des tutelles à la demande de la personne à protéger, d’un membre de la famille ou du ministère public, les services sociaux et sanitaires ayant l’obligation d’informer ce dernier s’ils ont connaissance de faits requérant la mise en place d’une mesure de protection. Le juge nomme un administrateur auquel il attribue compétence pour se substituer à la personne protégée dans l’exercice de certains droits et pour l’assister dans la mise en œuvre d’autres.
La personne protégée conserve la capacité d’exercice pour tous les actes autres que ceux pour lesquels l’administrateur a été désigné.
48. Les dispositions du code civil régissant l’« administration de soutien » sont ainsi libellées en leurs passages pertinents en l’espèce :
Article 404
« La personne qui, par suite d’une infirmité ou d’une déficience physique ou psychique, se trouve dans l’impossibilité, même partielle ou temporaire, de veiller à ses intérêts, peut être assistée par un administrateur de soutien, désigné par le juge des tutelles du lieu où elle a sa résidence ou son domicile. »
Article 405
« Le juge des tutelles, par ordonnance motivée immédiatement exécutoire, désigne l’administrateur de soutien dans un délai de soixante jours à compter de la date d’introduction du recours par l’une des personnes visées à l’article 406.
(...)
Si nécessaire, le juge prend également d’office des mesures urgentes pour le soin de la personne concernée ainsi que pour la conservation et l’administration de ses biens. Il peut désigner un administrateur de soutien provisoire en indiquant les actes que celui-ci est habilité à accomplir.
L’ordonnance de nomination de l’administrateur de soutien doit contenir :
1) les coordonnées du bénéficiaire [de la mesure] et celles de l’administrateur de soutien ;
2) la durée du mandat, qui peut également être indéterminée ;
3) l’objet de la mission et des actes que l’administrateur de soutien est habilité à accomplir pour le compte du bénéficiaire ;
4) les actes que le bénéficiaire ne peut accomplir qu’avec l’assistance de l’administrateur de soutien ;
5) les limites, y compris temporelles, des dépenses que l’administrateur de soutien peut engager en utilisant les sommes dont le bénéficiaire dispose ou pourrait disposer ;
6) la fréquence à laquelle l’administrateur de soutien doit rendre compte auprès du tribunal des actes qu’il a accomplis et des conditions de vie personnelles et sociales du bénéficiaire.
Si le mandat est attribué pour une durée déterminée, le juge peut le prolonger par une ordonnance motivée prononcée également d’office avant l’expiration du terme.
(...) ».
Article 406
« Le recours tendant à la nomination d’un administrateur de soutien peut être introduit par le bénéficiaire lui-même, même s’il est mineur, interdit ou frappé d’incapacité, ou par l’une des personnes visées à l’article 417.
Si le recours concerne une personne frappée d’interdiction ou d’incapacité, il est introduit conjointement avec une demande de révocation de l’interdiction ou de l’incapacité devant le juge compétent en la matière.
Les responsables des services sanitaires et sociaux directement impliqués dans la prise en charge et l’assistance de la personne, s’ils ont connaissance de faits qui rendent opportune l’ouverture d’une procédure d’administration de soutien, déposent un recours tel que prévu à l’article 407 devant le juge des tutelles ou informent le procureur général [de ces faits]. »
Article 409
« Le bénéficiaire conserve la capacité d’agir pour tous les actes qui ne requièrent pas la représentation exclusive ou l’assistance de l’administrateur de soutien.
Le bénéficiaire de l’administration de soutien peut en tout état de cause accomplir les actes nécessaires aux besoins de sa vie quotidienne. »
Article 410
« Dans l’accomplissement de ses tâches, l’administrateur de soutien prend en compte les besoins et les aspirations du bénéficiaire.
L’administrateur de soutien informe sans délai le bénéficiaire [de l’administration de soutien] des actes à accomplir, et, en cas de désaccord avec celui-ci, le juge des tutelles. Dans les cas de désaccord, de choix ou actes [effectués] préjudiciables, ou de négligence dans la protection des intérêts ou la satisfaction des besoins ou demandes du bénéficiaire, celui-ci, le procureur de la République ou toute autre personne visée à l’article 406 peut saisir le juge des tutelles, qui adopte les mesures appropriées par ordonnance motivée
(...) ».
Article 411
« Les dispositions des articles 349 à 353 et 374 à 388, paragraphe 2, s’appliquent, mutatis mutandis, à l’administrateur de soutien,
Les dispositions des articles 596, 599 et 779 s’appliquent également, mutatis mutandis, à l’administrateur du soutien,
(...)
Le juge des tutelles, dans l’ordonnance de désignation de l’administrateur de soutien ou ultérieurement, peut décider que certains des effets, limitations ou déchéances, prévus par les dispositions légales pour la personne déchue ou incapable, s’appliqueront au bénéficiaire de l’administration de soutien, compte tenu de l’intérêt de ce dernier et de l’intérêt protégé par les dispositions susmentionnées. La mesure [concernée] est [alors] prise par décision motivée à la suite d’un recours qui peut également être introduit directement par le bénéficiaire. »
Article 374
« Sans l’autorisation du juge des tutelles, le tuteur ne peut pas :
(...)
engager des procédures judiciaires, (...) ».
49. La procédure initiale de prise en charge médicale obligatoire (Trattamento Sanitario Obbligatorio, « la TSO ») est régie par la loi no 833 de 1978, qui dispose ce qui suit en ses passages pertinents en l’espèce :
Article 33
« Les examens et traitements médicaux sont généralement [reçus] à titre volontaire ; ils peuvent être obligatoires si la loi le prévoit expressément. Dans tous les cas, ils sont respectueux de la dignité et des droits de la personne.
L’examen et la prise en charge médicale obligatoire (TSO) doivent être ordonnés par le maire en sa fonction d’autorité sanitaire, à la demande motivée d’un médecin.
L’examen et le traitement sont effectués dans des services de santé disponibles, [et] le cas échéant dans des hôpitaux. (...) ».
Article 34
« (...) Les mesures ci-dessus peuvent être prises à l’égard de personnes atteintes de maladies mentales.
La TSO pour cause de maladie mentale peut être effectuée au moyen d’une hospitalisation seulement si les troubles psychiques existants requièrent une intervention thérapeutique urgente, si l’intéressé ne s’y soumet pas de manière volontaire et si les circonstances ne permettent pas de prendre rapidement des mesures sanitaires adaptées autres que l’hospitalisation.
La décision du maire ordonnant une TSO doit être validée par un médecin du service local de santé et doit être motivée au regard des conditions énumérées ci-dessus. (...) »
Aux termes de l’article 35 de la loi, la décision du maire doit être notifiée au juge des tutelles dans les quarante-huit heures. Ce dernier statue dans les quarante-huit heures par décision motivée, après avoir recueilli des renseignements et effectué d’éventuelles vérifications (accertamenti), aux fins de valider ou non de la TSO, et il en informe le maire. Si le juge des tutelles estime ne pas devoir valider la décision d’internement, le maire ordonne la fin de l’hospitalisation.
Lorsque la TSO doit durer plus de sept jours, le médecin responsable du service psychiatrique doit adresser en temps utile un avis motivé au maire qui a initialement ordonné la TSO. Ce dernier en informe le juge des tutelles et lui indique la durée probable du traitement.
LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX
Les Nations unies
La Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées
50. La Convention relative aux droits des personnes handicapées (« CRDPH »), adoptée le 13 décembre 2006 par l’Assemblée générale des Nations unies (Recueil des Traités des Nations unies, vol. 2515, p. 3) puis signée et ratifiée par l’Italie respectivement le 30 mars 2007 et le 15 mai 2009, prévoit notamment ce qui suit :
Article 12 – Reconnaissance de la personnalité juridique
dans des conditions d’égalité
« 1. Les États Parties réaffirment que les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique.
2. Les États Parties reconnaissent que les personnes handicapées jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres.
3. Les États Parties prennent des mesures appropriées pour donner aux personnes handicapées accès à l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique.
4. Les États Parties font en sorte que les mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique soient assorties de garanties appropriées et effectives pour prévenir les abus, conformément au droit international des droits de l’homme. Ces garanties doivent garantir que les mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique respectent les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée, soient exemptes de tout conflit d’intérêt et ne donnent lieu à aucun abus d’influence, soient proportionnées et adaptées à la situation de la personne concernée, s’appliquent pendant la période la plus brève possible et soient soumises à un contrôle périodique effectué par un organe compétent, indépendant et impartial ou une instance judiciaire. Ces garanties doivent également être proportionnées au degré auquel les mesures devant faciliter l’exercice de la capacité juridique affectent les droits et intérêts de la personne concernée.
(...) ».
Article 19 – Autonomie de vie et inclusion dans la société
« Les États Parties à la présente Convention reconnaissent à toutes les personnes handicapées le droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes, et prennent des mesures efficaces et appropriées pour faciliter aux personnes handicapées la pleine jouissance de ce droit ainsi que leur pleine intégration et participation à la société, notamment en veillant à ce que :
a) les personnes handicapées aient la possibilité de choisir, sur la base de l’égalité avec les autres, leur lieu de résidence et où et avec qui elles vont vivre et qu’elles ne soient pas obligées de vivre dans un milieu de vie particulier ;
b) les personnes handicapées aient accès à une gamme de services à domicile ou en établissement et autres services sociaux d’accompagnement, y compris l’aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société et de s’y insérer et pour empêcher qu’elles ne soient isolées ou victimes de ségrégation ;
c) les services et équipements sociaux destinés à la population générale soient mis à la disposition des personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, et soient adaptés à leurs besoins. »
Le Comité des droits des personnes handicapées
51. En avril 2014, le Comité des droits des personnes handicapées (« le CDPH ») a adopté l’observation générale no 1 relative à l’article 12 de la Convention, lequel porte sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité. Les parties pertinentes concernant les personnes internées contre leur volonté sont rédigées comme suit :
Article 5
Égalité et non-discrimination
« 28. Pour que la personnalité juridique puisse être reconnue, la capacité juridique ne doit pas être déniée de manière discriminatoire. L’article 5 de la Convention garantit l’égalité de toutes les personnes devant la loi et en vertu de celle-ci et le droit à l’égale protection de la loi. La discrimination fondée sur le handicap est définie à l’article 2 de la Convention comme « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales ». Le déni de la capacité juridique qui a pour but ou pour effet de porter atteinte au droit des personnes handicapées à la reconnaissance de leur personnalité juridique dans des conditions d’égalité constitue une violation des articles 5 et 12 de la Convention. En fait, l’État est habilité à limiter la capacité juridique d’une personne dans certaines circonstances, par exemple en cas de faillite ou de condamnation pénale. Toutefois, le droit à la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité et de ne pas faire l’objet d’une discrimination exige que le déni par l’État de la capacité juridique soit fondé sur les mêmes raisons pour toutes les personnes. Ce déni ne saurait être fondé sur un attribut de la personnalité comme le sexe, la race ou le handicap, ni avoir pour but ou effet de traiter une personne différemment des autres.
29. La non-discrimination dans la reconnaissance de la capacité juridique rétablit l’autonomie et le respect de la dignité humaine de la personne conformément aux principes consacrés à l’article 3 a) de la Convention. La liberté de faire ses propres choix présuppose le plus souvent la capacité juridique. L’indépendance et l’autonomie impliquent le pouvoir de voir ses décisions juridiquement respectées. Le besoin d’un accompagnement ou d’un aménagement raisonnable aux fins de la prise des décisions ne doit pas être invoqué pour contester la capacité juridique d’une personne. Le respect de la différence et l’acceptation des personnes handicapées comme faisant partie de la diversité humaine et de l’humanité (art. 3 d)) sont incompatibles avec l’octroi de la capacité juridique sur la base de l’assimilation.
30. La non-discrimination comprend le droit à des aménagements raisonnables dans l’exercice de la capacité juridique (art. 5, par. 3). Aux termes de l’article 2 de la Convention, l’aménagement raisonnable s’entend des « modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales ». Le droit à des aménagements raisonnables dans l’exercice de la capacité juridique est distinct et complémentaire du droit à un accompagnement dans l’exercice de cette capacité. Les États sont tenus de procéder aux modifications et ajustements nécessaires pour permettre aux personnes handicapées d’exercer leur capacité juridique à moins que cela ne leur impose une charge disproportionnée ou indue (...) »
Articles 14 et 25
Liberté et sécurité de la personne et consentement
« 36. (...) Le déni de la capacité juridique des personnes handicapées et leur détention dans des établissements contre leur volonté, sans leur consentement ou avec celui d’une personne habilitée à se substituer à elles pour prendre les décisions les concernant, est un problème très actuel. Cette pratique constitue une privation arbitraire de liberté et viole les articles 12 et 14 de la Convention (...)
37. Le droit de jouir du meilleur état de santé possible (art. 25) implique le droit à des soins de santé sur la base du consentement libre et éclairé. Les États parties ont l’obligation d’exiger de tous les médecins et professionnels de la santé (y compris les psychiatres) qu’ils obtiennent le consentement libre et éclairé des personnes handicapées avant de les traiter.
(...) ».
52. Dans son Observation générale no 5, le CDPH a formulé plusieurs recommandations visant à garantir l’application intégrale de l’article 19 dans les États parties. Il a préconisé, entre autres, les mesures suivantes :
« –abroger toutes les lois qui empêchent les personnes handicapées, quel que soit leur handicap ou leur déficience, de choisir où, avec qui et selon quelles modalités elles vont vivre, y compris d’exercer le droit de ne pas être internées sur la base d’un handicap, quel qu’il soit ;
– adopter et faire appliquer des lois, des normes et d’autres mesures dans l’optique de rendre les collectivités locales et l’environnement, ainsi que l’information et la communication, accessibles à toutes les personnes handicapées ;
– veiller à ce que les programmes de protection répondent aux besoins des personnes handicapées, dans toute leur diversité et dans des conditions d’égalité avec les autres ;
– inscrire le principe de la conception universelle, tant pour les espaces physiques que pour les espaces virtuels, dans les politiques, les lois, les normes et les autres dispositions ;
– informer les personnes handicapées de leur droit de vivre de façon autonome et d’être incluses dans la société, et offrir à ces personnes des programmes de formation sur leurs droits ;
– adopter des stratégies claires et ciblées en faveur de la désinstitutionalisation, assorties de calendriers précis et de budgets appropriés, afin d’éliminer toutes les formes d’isolement ;
– mettre sur pied des programmes de sensibilisation qui s’attaquent aux comportements et stéréotypes négatifs à l’égard des personnes handicapées ;
– concevoir des politiques et dispositions législatives complètes et allouer des ressources financières pour la construction de logements accessibles et d’un coût abordable, l’environnement bâti, les espaces publics et les transports, qui soient assorties d’un calendrier approprié pour leur mise en œuvre, et prévoir des sanctions efficaces, dissuasives et proportionnées en cas de violation de ces politiques et dispositions par des autorités publiques ou privées ;
– allouer des ressources à la mise au point de services d’appui appropriés et suffisants, orientés vers la personne ou pilotés par l’utilisateur et autogérés, pour toutes les personnes handicapées, sous la forme notamment d’une assistance personnelle, de guides, de lecteurs ou encore d’interprètes en langue des signes ou autres interprètes professionnels compétents. »
53. En septembre 2015, le CDPH a adopté des Directives relatives à l’article 14 de la Convention. Leurs parties pertinentes en l’espèce, concernant les personnes internées contre leur volonté, se lisent comme suit :
« B. Droit à la liberté et à la sûreté des personnes handicapées
3. Le Comité réaffirme que le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne est l’un des droits les plus précieux auxquels chacun puisse prétendre. De fait, toutes les personnes handicapées, en particulier les personnes avec un handicap mental ou psychosocial, ont droit à la liberté, en vertu de l’article 14 de la Convention.
4. L’article 14 est, en soi, une disposition relative à la non-discrimination. Il précise la portée du droit à la liberté et à la sécurité de la personne s’agissant des personnes handicapées, et interdit toute forme de discrimination fondée sur le handicap dans l’exercice de ce droit.
(...)
C. Interdiction absolue de la détention fondée sur l’incapacité
6. Il existe encore dans les États parties des pratiques autorisant la privation de liberté en raison d’une incapacité réelle ou supposée. (...) Le Comité a établi que l’article 14 ne prévoyait aucune exception qui permettrait de priver des personnes de leur liberté sur la base d’une déficience réelle ou perçue. Pourtant, la législation de plusieurs États parties, notamment les lois sur la santé mentale, continue de prévoir plusieurs cas dans lesquels des personnes peuvent être placées en établissement sur la base d’une déficience, réelle ou perçue, à condition qu’il existe d’autres motifs à leur placement, notamment le fait qu’elles présentent un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Cette pratique n’est pas compatible avec l’article 14 ; elle est discriminatoire par nature et constitue une privation arbitraire de liberté.
(...)
D. Placement forcé ou non consenti en institution psychiatrique
10. L’internement forcé de personnes handicapées pour des motifs de soins de santé est incompatible avec l’interdiction absolue de la privation de liberté pour des raisons de déficience (art. 14, par. 1 b)) et le principe du consentement libre et éclairé de la personne concernée par les soins de santé (art. 25). Le Comité a souligné à plusieurs reprises que les États parties devaient abolir les dispositions prévoyant le placement de personnes handicapées en institution psychiatrique sans leur consentement, en raison d’une déficience réelle ou supposée. L’internement non consenti prive la personne de sa capacité juridique de décider si elle souhaite ou non faire l’objet de soins et de traitements, être hospitalisée ou placée en institution, et constitue de ce fait une violation de l’article 12, lu en parallèle avec l’article 14.
(...)
G. Privation de liberté au motif que la personne handicapée présenterait un danger, aurait besoin de soins ou de traitements ou pour tout autre motif
13. Dans tous les examens des rapports des États parties, le Comité a estimé que la détention de personnes handicapées au motif qu’elles présenteraient un danger pour elles-mêmes ou pour autrui était contraire à l’article 14. La détention forcée de personnes handicapées au motif qu’elles présenteraient un risque ou un danger, qu’elles auraient besoin de soins ou de traitements ou pour toute autre raison liée à leur déficience ou à un diagnostic, notamment la gravité de leur déficience, ou encore à des fins d’observation, est contraire au droit à la liberté et constitue une privation arbitraire de liberté.
14. On considère souvent que les personnes présentant des troubles intellectuels ou psychosociaux constituent un danger pour elles-mêmes et pour autrui lorsqu’elles ne consentent pas à faire l’objet d’un traitement médical ou thérapeutique ou s’y opposent. Toute personne, y compris handicapée, a l’obligation de ne pas causer de préjudice, et les systèmes juridiques fondés sur la règle de droit contiennent des lois pénales et autres pour traiter tout manquement à cette obligation. Les personnes handicapées ne sont souvent pas protégées sur un pied d’égalité avec les autres par ces lois, dans la mesure où elles dépendent d’un ensemble distinct de lois, notamment de lois sur la santé mentale. Ces lois et procédures prévoient généralement des critères moins stricts en matière de protection des droits de l’homme, en particulier du droit à une procédure régulière et à un procès équitable, et ne sont pas conformes à l’article 13 de la Convention, lu en parallèle avec l’article 14.
15. La liberté de faire ses propres choix, posée comme un principe à l’article 3 a) de la Convention, comprend la liberté de prendre des risques et de faire des erreurs, sur un pied d’égalité avec les autres. Dans son observation générale no 1, le Comité a indiqué que les décisions relatives aux traitements médicaux et psychiatriques devaient être fondées sur le consentement libre et éclairé de la personne concernée et respecter son autonomie, sa volonté et ses préférences. L’internement en institution psychiatrique fondé sur la déficience, réelle ou supposée, ou sur les conditions de santé des personnes concernées prive les personnes handicapées de leur capacité juridique et constitue une violation de l’article 12 de la Convention.
(...) »
54. Le 6 mars 2015, le CDPH a examiné le rapport soumis par l’Italie en application de l’article 35 de la Convention. Les parties pertinentes en l’espèce du rapport se lisent ainsi :
Article 12
Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions
d’égalité
« 31. Le cadre constitutionnel normatif et italien entend empêcher tout type de discrimination fondée sur le handicap devant la loi. L’égalité de traitement devant la loi est garantie à tous les citoyens. Parallèlement, des notions juridiques telles que la disqualification et l’incapacité ne sont pertinentes que si la personne concernée est partiellement ou totalement saine d’esprit. Dans le premier cas, le tribunal doit nommer un représentant légal, c’est-à-dire un tuteur. Dans le second cas, la personne incapable est habilitée, après une déclaration du tribunal, à accomplir, en toute autonomie, toutes les activités ordinaires de la vie courante mais doit être accompagnée d’un tuteur dans l’exercice de toute activité extraordinaire.
32. La profession de tuteur désigné par la justice qui consiste à accompagner des personnes dont la capacité d’agir est limitée ou fortement compromise a été réglementée en 2004 (loi no 6 de 2004) à la suite de certains cas particuliers de jurisprudence civile et de l’adoption d’une nouvelle approche juridique. La réglementation de cette profession a pour objectif final de protéger les personnes qui ont perdu totalement ou partiellement la capacité d’accomplir seules des activités quotidiennes en leur apportant une aide temporaire ou permanente limitant le moins possible leur capacité d’agir en toute autonomie. Le tuteur désigné par la justice est un bénévole chargé de veiller aux intérêts et à la qualité de vie de la personne qui lui est confiée et qui ne peut intervenir dans un conflit d’intérêt comme, par exemple, un professionnel de santé qui serait embauché par la même personne. Les attributions du tuteur désigné par la justice sont définies dans l’acte de nomination du juge des tutelles qui indique les actes spécifiques que le tuteur est chargé d’accomplir au nom de la personne bénéficiaire et ceux qu’il peut accomplir dans le cadre de l’assistance fournie. Le juge doit protéger la personne concernée, répondre à ses besoins et respecter ses demandes dans la mesure où celles-ci ne compromettent pas sa protection. La personne faisant l’objet de cette mesure de tutelle conserve son autonomie d’action dans le cadre des activités visant à satisfaire ses besoins quotidiens ou qu’elle peut accomplir sans devoir être assistée. Il est important de souligner que le tuteur désigné par la justice a des horaires flexibles et peut être démis de ses fonctions. »
Article 14
Liberté et sécurité de la personne
« 38. Dans l’ordre juridique interne, la liberté individuelle est reconnue comme étant un droit inviolable et constitutionnellement garanti. Le droit à la liberté et à la sécurité personnelle, protégé par l’article 14, paragraphe 1, lettre a) de la Convention est consacré par l’article 13 de la Constitution ainsi que par les normes du Code pénal et du Code de procédure civile qui comportent des garanties contre la privation abusive de liberté. L’article 14, paragraphe 1, lettre b) de la Convention trouve son pendant dans l’article 13 de la Constitution mais également dans l’article 32 de cette dernière qui émet une réserve concernant les traitements sanitaires. L’hospitalisation des personnes handicapées dans les établissements de santé doit avoir lieu conformément aux garanties procédurales prévues par la loi. Dans le cadre normatif italien, le principe général de réserve légale est très large et peut donc s’appliquer à un très large éventail de cas et d’hypothèses en matière de privation de liberté personnelle.
39. Pour ce qui est de l’article 14, paragraphe 2 concernant la détention des personnes handicapées et la garantie d’être placé dans des établissements pénitentiaires adéquats, il convient de souligner que l’Italie ne possède pas de législation spécifique concernant la détention des personnes handicapées. La loi no 354 de 1975 comporte certaines références normatives qui protègent indirectement les personnes handicapées dans les établissements pénitentiaires. L’article 47 ter, paragraphe 3, en particulier, qui concerne l’assignation à résidence, prévoit que toute peine de réclusion d’une durée de moins de quatre ans, qu’elle fasse ou non partie d’une peine de durée supérieure, ainsi que tout placement en détention peuvent être exécutés à domicile, dans un autre domicile privé ou dans un établissement de santé public si la personne concernée est en très mauvaise santé et doit être en contact constant avec les services sanitaires locaux. Des mesures alternatives de détention peuvent être appliquées lorsque les justiciables sont atteints du SIDA ou souffrent d’immunodéficience sévère (art. 47 quater). De plus, l’article 11 de la loi no 354 de 1975 dispose que tout établissement pénitentiaire doit comporter un service médical et une pharmacie à même de répondre aux besoins des détenus en matière de soins de santé que ces derniers soient d’ordre préventif ou non.
40. L’article premier de la loi no 180 de 1978 prévoit que nul ne peut être contraint de suivre un traitement médical ou de se soumettre à un examen médical à moins que la loi no 833 de 1978 (art. 34 et 35) n’en dispose autrement. Afin de garantir la légalité des traitements obligatoires, la loi prévoit qu’ils doivent respecter la dignité des personnes les droits civils et politiques protégés par la Constitution et être dispensés par des services sanitaires locaux. Dans les cas nécessitant une hospitalisation, les soins doivent être dispensés dans des hôpitaux publics ou conventionnés. De plus, le patient doit participer au processus de prise de décision et être placé dans des conditions lui permettant d’exprimer son consentement au traitement. En outre, les soins de santé obligatoires dispensés aux malades mentaux ne peuvent dépasser une durée de sept jours. S’il est nécessaire de les prolonger, une communication motivée doit être transmise au maire et au juge des tutelle par le directeur de l’hôpital psychiatrique concerné.
41. La loi no 104 de 1992 impose aux ministères concernés (Ministères de la justice, de l’intérieur et de la défense) de réglementer, dans les limites de leurs compétences respectives, les modalités de la protection des personnes handicapées dans les locaux sécurisés, au cours de la procédure pénale, dans les établissements de détention préventive et les autres établissements pénitentiaires en tenant compte des besoins thérapeutiques et de communication des personnes concernées. Des mesures spécifiques concernant les condamnés handicapés physiques ou mentaux figurent dans le décret du Président de la République no 230 de 2000. L’article 20, en particulier, prévoit la mise en œuvre de mesures renforçant la participation des condamnés atteints de troubles mentaux légers ou graves à l’ensemble des activités, notamment à celles leur permettant, dans toute la mesure du possible, de maintenir, d’améliorer ou de rétablir leurs relations avec leur famille et leur environnement social. À des fins de réinsertion sociale, les condamnés souffrant de troubles mentaux légers ou graves, qui, après avis du personnel sanitaire, sont capables d’accomplir une tâche productive ou de rendre des services utiles, sont autorisés à travailler et à exercer les droits qui se rattachent à l’exercice d’une activité. Ceux qui ne sont pas encore en mesure d’accomplir les tâches précitées bénéficient d’une allocation et peuvent être amenés à participer à des séances d’ergothérapie.
42. Le décret du Conseil des ministres du 1er avril 2008 a pour effet de centraliser les décisions relatives à la protection de la santé des condamnés. L’annexe C de ce décret contient des directives des Ministères de la santé et de la justice concernant les interventions dans les hôpitaux psychiatriques (OPG) et les institutions de soins de santé. Ces directives fournissent des indications particulières sur les thérapies et les mesures de réadaptation ainsi que des recommandations concernant les actions menées par le Service national de santé dans le domaine de la protection de la santé des condamnés, des détenus et des mineurs au cours de la procédure pénale. Le même document définit également le processus de dépassement du modèle des hôpitaux psychiatriques, lequel doit être mené à terme avant le 1er février 2013 en vertu de l’article 3 ter de la loi no 9 de 2012. Depuis le 3 mars 2013, les mesures de sûreté concernant les internements dans des hôpitaux psychiatriques et les placements dans des établissements de soins ne peuvent être mises en œuvre que dans des structures de santé agréées. Les personnes ne présentant plus de danger pour la société doivent être remises en liberté et prises en charge par les unités psychiatriques locales.
43. Il convient de signaler qu’aucun cadre normatif ciblant spécifiquement les détenus handicapés n’a encore été établi, et ce, même s’il existe des normes régionales en la matière. Une initiative législative concernant la loi no 354 de 1975 serait donc la bienvenue pour garantir, au moyen d’aménagements raisonnables conformément à l’article 14 de la Convention, la protection des condamnés atteints de handicaps divers. »
Le 14 juin 2016, le Gouvernement italien a soumis ses commentaires en réponse au rapport initial du CDPH. Les passages pertinents concernant les articles 12 et 14 se lisent comme suit :
“Equal recognition before the law (art. 12)
Reply to the issues raised in paragraph 11 of the list of issues
21. As detailed in para. 30 of the Italian National Report, the Italian legal system does not allow discrimination on the basis of disability with respect to legal capacity.
22. The 2004 law on the so called “support administrator” (amministratore di sostegno) introduced a mechanism to support the free decisions of persons with disabilities, helping them to carry out daily tasks without substituting their will, according to a decree adopted by a judge. Therefore this mechanism belongs to the category of legal mechanisms of support to expression of the free will and legal capacity of the person with disability. The beneficiary of the measure retains in any case his own sphere of capacity with regard to the requirements of his daily life as well as those for which his capacity has not undergone any limitations. The measure is flexible in time and subject to review which can lead to its being lifted.
23. In 2016 the Ministry of Labour and Social Policies has launched a national project involving several Regions on the “amministratore di sostegno” in order to encourage training activities and to introduce data collection at national level.
Liberty and security of the person (art. 14)
Reply to the issues raised in paragraph 14 of the list of issues
26. Italian legislation does not allow the detention of a person solely on account of his disability. Restrictive security measures are foreseen only for socially dangerous persons (arts. 199 et seq. C.p.p) that have committed a crime.
(...)
29. Italian legislation provides that no one may be subjected to medical examination or hospitalization against his will. The mandatory medical treatment (T.S.O.) in case of mental illness can occur in hospital only if: a) there are mental alterations requiring urgent therapeutic treatment; b) the patient does not want to voluntarily undergo treatment; c) it is impossible to take timely and appropriate extraordinary measures without resort to hospitalization (see Law 833/1978, Arts. 33, 34 and 35 for details of the procedure requested for the application of mandatory medical treatment and Circular of the Ministry of the Interior no. 3/2001 – Mandatory medical treatment for persons with mental illness).”
55. Le 6 octobre 2016, le CDPH a publié ses observations finales relatives au rapport initial concernant l’Italie :
« Le Comité a examiné le rapport initial de l’Italie (CRPD/C/ITA/1) à ses 283e et 284e séances (voir CRPD/C/SR.283 et 284), tenues les 24 et 25 août 2016. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 294e séance, le 1er septembre 2016.
2. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’Italie, élaboré conformément à ses directives concernant l’établissement des rapports, et remercie l’État partie pour ses réponses écrites (CRPD/C/ITA/Q/1/Add.1) à la liste de points qu’il avait établie (CRPD/C/ITA/Q/1).
Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et note avec satisfaction les précisions apportées en réponse aux questions posées oralement par le Comité ».
(...)
III. Principaux sujets de préoccupation et recommandations
(...)
Égalité devant la loi (art. 12)
27. Le Comité est préoccupé de constater que la prise de décisions substitutive continue d’être pratiquée dans le cadre du mécanisme de l’administration de soutien « Amministrazione di Sostegno ».
28. Le Comité recommande à l’État partie d’abroger toutes les lois qui autorisent la prise de décisions substitutive par des tuteurs légaux, y compris dans le cadre du mécanisme de l’administration de soutien, et d’adopter et d’appliquer des dispositions d’aide à la prise de décisions, y compris par la formation des professionnels dans les secteurs de la justice, de la santé et des services sociaux.
Liberté et sécurité de la personne (art. 14)
33. Le Comité est préoccupé par les mesures restrictives applicables aux personnes « socialement dangereuses », y compris aux personnes considérées comme un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.
34. Le Comité recommande à l’État partie de procéder à une réforme de la législation et des politiques en vue d’interdire la détention, y compris l’hospitalisation et/ou le traitement sans consentement, au motif du handicap, comme indiqué ci-dessus, de sorte qu’elles soient harmonisées avec la déclaration du Comité relative à l’article 14.
35. Le Comité note avec préoccupation qu’en vertu des lois pénales de l’État partie, les personnes présentant des handicaps intellectuels ou psychosociaux peuvent être déclarées inaptes à se défendre, en méconnaissance des garanties d’un procès équitable. Il est également préoccupé par le fait que les personnes handicapées déclarées inaptes à plaider peuvent être soumises à des mesures de sûreté, notamment à la privation forcée de liberté pour une durée indéterminée.
36. Le Comité recommande à l’État partie d’abroger les lois pénales autorisant à déclarer les personnes présentant des handicaps intellectuels ou psychosociaux inaptes à se défendre, afin de permettre la mise en œuvre intégrale des garanties d’un procès équitable. Il recommande également à l’État partie de veiller à ce qu’une personne ne puisse, en vertu d’une mesure de sûreté, être privée de sa liberté pour une durée indéterminée sans que ne soit apportée la preuve de sa culpabilité.
37. Le Comité est préoccupé par l’inégalité de traitement dont les détenus handicapés sont victimes par rapport aux autres détenus.
38. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que des aménagements raisonnables soient fournis aux détenus handicapés afin d’assurer leur participation et leur accès à tous les services et à toutes les activités, dans des conditions d’égalité avec les autres, dans les prisons ou autres centres de détention.
Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)
47. Le Comité est profondément préoccupé par la tendance à replacer les personnes handicapées en institution et par le fait que les fonds alloués à cela ne soient pas plutôt utilisés pour promouvoir et assurer l’autonomie de vie de toutes ces personnes dans leur communauté. Il note en outre avec préoccupation les incidences en matière d’égalité des sexes des politiques en vigueur qui « forcent » les femmes à rester à domicile pour prendre soin des membres handicapés de la famille au lieu d’être employées sur le marché du travail.
48. Le Comité recommande à l’État partie d’appliquer des garanties relatives au droit à l’autonomie de vie dans toutes les régions, de réaffecter les ressources consacrées au placement en institution aux services communautaires et d’augmenter les aides budgétaires afin que les personnes handicapées bénéficient sur l’ensemble du territoire national de l’autonomie de vie et de l’égalité d’accès aux services, y compris aux services à la personne. »
Le Conseil de l’Europe
La Charte sociale européenne
56. La Charte sociale européenne révisée (STE no163), ouverte à la signature le 3 mai 1996 et ratifiée par l’Italie le 5 juillet 1999, énonce notamment ce qui suit :
Article 15 – Droit des personnes handicapées à l’autonomie,
à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté
« En vue de garantir aux personnes handicapées, quel que soit leur âge, la nature et l’origine de leur handicap, l’exercice effectif du droit à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté, les Parties s’engagent notamment:
(...)
3. à favoriser leur pleine intégration et participation à la vie sociale, notamment par des mesures, y compris des aides techniques, visant à surmonter des obstacles à la communication et à la mobilité et à leur permettre d’accéder aux transports, au logement, aux activités culturelles et aux loisirs. »
57. Dans une décision rendue publique le 17 avril 2023, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe (CEDS) a conclu à une violation de la Charte sociale européenne par la France à raison notamment, d’une part, du défaut d’adoption par les autorités de mesures efficaces aux fins d’assurer dans un délai raisonnable l’accessibilité des bâtiments, des installations et des transports publics ainsi que l’accès aux services d’aide sociale et aux aides financières et, d’autre part, du défaut de développement d’une politique coordonnée en vue de l’intégration sociale et de la participation à la vie de la communauté des personnes handicapées (article 15 § 3). Le Comité a considéré en particulier que l’article 15 § 3 de la Charte avait été méconnu du fait de l’absence de mesures efficaces visant à remédier dans un délai raisonnable aux problèmes de longue date découlant pour lesdites personnes d’un accès insuffisant aux services d’aide sociale. Les parties pertinentes de la décision sont libellées comme suit :
« Services sociaux d’accompagnement
L’article 15 § 3 exige que des services d’aide sociale et d’accompagnement existent et soient à la portée de chaque personne handicapée, dans la mesure où ils sont nécessaires pour favoriser une vie indépendante et l’inclusion dans la communauté et pour prévenir l’isolement ou la ségrégation de la communauté.
La pleine intégration sociale et la participation à la vie de la communauté, selon l’article 15 § 3, renvoient à l’autonomie personnelle, à la liberté de faire des choix concernant sa propre vie, et au contrôle de sa vie et de ses décisions. Pour de nombreuses personnes handicapées, l’accès à une gamme de services de soutien individualisés est une condition préalable à l’intégration et à la participation à la vie de la communauté. En outre, l’inclusion des personnes handicapées dans une communauté en tant que « citoyens ordinaires » ayant des droits égaux à ceux des autres et la garantie qu’elles disposent de choix égaux pour déterminer où et avec qui elles vivent, dans un cadre communautaire, conduisent à la forte présomption que toute pratique (intentionnelle ou non) qui implique ou entraîne l’isolement des personnes handicapées n’est pas conforme à ce droit. Pour le Comité, en vertu de l’article 15 § 3, les États ont donc l’obligation de mettre à disposition des services d’appui pour assurer la pleine intégration et la participation des personnes handicapées à la vie de la communauté.
(...)
Le Comité prend note en particulier des allégations des organisations réclamantes selon lesquelles, en raison de l’absence de services de soutien suffisants et de l’inadaptation de ceux qui existent, de nombreuses personnes handicapées ont été privées de leur droit d’être intégrées dans la communauté et placées dans des institutions alors qu’elles auraient pu bénéficier d’un maintien dans leur environnement normal si elles avaient reçu le soutien social requis. Elle prend également note des départs « involontaires » de personnes handicapées vers des institutions et des établissements en Belgique en raison de la capacité insuffisante des établissements médico-sociaux en France
(...)
Le Comité a réitéré à plusieurs reprises que lorsqu’un droit est exceptionnellement complexe ou particulièrement coûteux à résoudre - comme c’est le cas pour l’article 15 § 3 en l’occurrence - les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures possibles et mesurables pour réaliser les droits protégés par la Charte, en utilisant le maximum de leurs ressources disponibles avec des délais et des repères clairs. Elle réitère également les trois critères : (i) un délai raisonnable, (ii) des progrès mesurables et (iii) un financement compatible avec l’utilisation maximale des ressources disponibles auxquels doivent répondre les mesures visant à atteindre les objectifs de la Charte, lorsque cette réalisation est exceptionnellement complexe et particulièrement coûteuse à résoudre. (Autisme-Europe c. France, réclamation no 13/2002, op. cit., par. 53 et AEH c. France, réclamation no 81/2012, op. cit., par. 79). Compte tenu des multiples mesures prises par le Gouvernement français sur une longue période, c’est le premier critère qui revêt une importance particulière dans l’appréciation du respect par la France de l’article 15 § 3.
Le Comité note que l’amendement « Creton » du 13 janvier 1989 (modifiant la loi de 1975 sur l’orientation des personnes handicapées) permet aux jeunes adultes de rester dans les établissements et services pour enfants handicapés en attendant de trouver une place dans les structures pour adultes (voir, par. 65 ci-dessus). Cependant, comme le souligne le Défenseur des droits dans ses observations, malgré les nombreux projets de création d’hébergements en établissements pour adultes et d’encouragement des services d’accompagnement, envisagés depuis plusieurs décennies (par exemple, le plan d’action pour la création de nouvelles places en établissements pour adultes prévu par la loi no 97-1164 du 19 décembre 1997), un nombre important de jeunes adultes sont encore accueillis dans des établissements pour enfants, faute d’alternative. Le Comité note qu’entre 2010 et 2016 (c’est-à-dire 20 et 26 ans après l’adoption de l’amendement Creton), le nombre de jeunes adultes accueillis dans les services de l’enfance faute d’autre solution n’a pas évolué (6000).
À la lumière de ces éléments, le Comité conclut qu’il ne peut être considéré que les mesures prises ou envisagées pour résoudre le problème de l’hébergement des jeunes adultes dans les services de l’enfance, faute de services disponibles, répondent au critère de "délai raisonnable". »
(...) »
Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
58. Le 24 mars 2023, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a publié le rapport relatif à la visite périodique effectuée en Italie en mars et avril 2022.
59. En ce qui concerne les maisons de retraite médicalisées, le CPT note que, compte tenu des restrictions associées à la Covid-19 (en particulier, la privation d’un accès à l’air libre ainsi que la réduction des visites familiales et des activités de réadaptation et de loisirs) et de l’absence d’alternatives viables en société, les résidents des deux maisons de retraite médicalisées (Residenze Sanitarie Assistenziali) dans lesquelles il s’est rendu pouvaient être considérés comme étant de fait privé de leur liberté. Il relève en particulier que lesdites restrictions, qui ont été appliquées de manière continue à partir de février 2020 dans les deux maisons de retraite médicalisées visitées, ont eu un effet préjudiciable croissant sur la santé mentale et somatique des résidents. De l’avis du CPT, les autorités italiennes devraient prendre d’urgence des mesures propres à réduire ces restrictions, notamment en renforçant l’accès aux activités de physiothérapie et de réadaptation, et à assurer à l’avenir une interprétation moins restrictive des règles applicables, basée sur des données scientifiques claires et un contexte épidémiologique précis. Les parties pertinentes du rapport se lisent ainsi :
« Social care establishments
The CPT considers that in the light of the high level of segregation due to the prolonged and indefinite Covid-19 related restrictions and the lack of viable alternatives in the community residents of the two RSAs visited could be considered as de facto deprived of their liberty.
The report provides an accurate description of the context in relation to the application of the protective and preventive measures applied in respect of RSA residents in the context of fight against the Covid-19 pandemic. In particular, the restrictions in place at the two RSAs visited since February 2020 (notably in terms of absence of access to fresh air, reduced rehabilitative and recreational activities and family visits) had gradual and deleterious effects on the residents’ mental and somatic healthcare state notably at the Pio Albergo Trivulzio RSA. The Italian authorities should take urgent measures to reduce the restrictions in place and to ensure a less restrictive interpretation of the applicable regulations in the future in the light of clear scientific evidence and special epidemiological circumstances.
Living units at both RSAs were in principle in a good state of repair, properly equipped, spacious, well ventilated and the level of hygiene was impeccable. The CPT found certain deficiencies at Istituto Palazzolo consisting of an overall hospital-like design, insufficient ratio of sanitary facilities per resident and impersonalised and poorly decorated communal rooms.
The levels of staff assigned to the relevant living units of the RSAs visited was in line with the criteria foreseen by the regional legislation. That said, a reinforcement of the nursing and OSS component at the Istituto Palazzolo is recommended in order to better assist residents when eating and for supervising their personal hygiene. Further, the resort to outsourced personnel should be limited in order to reduce the frequent turnover of staff.
The CPT gained a very good impression of the level of health care provided to residents at both RSAs. That said, the level of physiotherapeutic interventions should be increased.
As regards the resort to means of restraint in respect of RSA residents (i.e. bed rails, pelvic belts and mobility lap trays), the report indicates that there was no excessive and disproportionate resort to their use and recommends that this specific practice be regulated at the national level in an uniform manner due to its potential intrusive and abusive nature.
The report also recommends that guardianship judges from the competent territorial courts pay regular visit to RSA residents under a measure of support administration (amministrazione di sostegno). The Committee also welcomes the efforts invested by the Italian authorities in assisting elderly persons with limited autonomy in formulating an individual project of life which includes viable alternatives to the placement in a residential facility.
D. Social care homes
3. Covid-19 response and restrictions
244. The CPT recommends that the Italian authorities take urgent measures to reduce the restrictions in place on visiting arrangements, access to fresh air, therapeutic and communal activities at all RSAs at the national level, and with particular reference to the Lombardy Region. In particular, the Ministry of Health in the context of the implementation of Circular No. 0012458 of 10 June 2022 should pay particular attention to ensure that the exceptional clause permitting RSA Directors to adopt more stringent measures in special epidemiologic circumstances is not interpreted and enforced so as to introduce restrictions of an indefinite and disproportionate nature.
Further, the CPT recommends that the Lombardy regional authorities ensure a rapid resumption of the use and operation of the common physiotherapy gyms at both Pio Albergo Trivulzio and Istituto Palazzolo RSAs allowing access to the resident population in safe conditions and permitting more complex physiotherapeutic interventions.
(...)
8. Safeguards
268. Placement in an RSA is voluntary and based on the conclusion of a standard private law contract between the resident (or their amministratore di sostegno or support administrator) and the management of the RSA in question. The procedure consisted of a request for placement addressed to the RSA and the person’s eligibility as a resident of the Milan Municipality or the area under the responsibility of the respective health protection agency (ATS). Most of the residents filed a request after their hospitalisation in a sub-acute facility, rehabilitation ward, SPDC or directly from their home.
269. At the time of the visit a number of residents at both RSAs visited were under the responsibility of a support administrator (amministratore di sostegno). An analysis of several decrees of the nomination of support administrators by the guardianship judge indicated that, in principle, the support administrator was a member of the resident’s family, a lawyer or a delegate of the mayor of the municipality of residence. Support administrators were appointed in accordance with the relevant provisions of Law No. 6/2004, at a public hearing, in the presence of the beneficiary. All decisions were reasoned, support administrators were under the obligation to report to the guardianship judge and their appointment was for an indefinite duration but subject to a periodic court review once a year.
Further, the decrees examined by the CPT showed that guardianship judges had delegated the support administrators to decide on matters pertaining to the care and therapeutic interventions of the assisted persons. The CPT was able to ascertain that guardianship judges had fluid contacts and relationships with the management of the visited RSAs and the support administrators (primarily via video-conference). That said, they did not pay regular visits to the RSAs in order to meet the residents in person, due to being overburdened and to restrictions related to the pandemic.
The CPT suggests that guardianship judges from the competent territorial court pay regular visits to the residents of the RSAs in respect of whom support administrators have been appointed.
270. As regards consent to treatment, the files of residents at both RSAs contained standard forms on informed consent (drawn up in line with the regional legislation) which concerned therapeutic interventions provided in the context of the RSA placement, as foreseen by the relevant accreditation. Further, in relation to more complex diagnostic and therapeutic interventions (such as specific diagnostic examinations, testing for infectious diseases etc.) as well as those with stronger ethical implications, ad hoc informed consent forms were signed and duly recorded in personal files and health-care staff were investing efforts to explain the nature of and reason for the interventions either to residents or to their support administrator prior to signature. Doctors were particularly attentive to seek the consent of the respective resident’s support administrator in case of application of means of restraint.
271. Information brochures and leaflets were widely available at both RSAs, listing all aspects of daily life at the RSA. Further, a copy of the Carta dei Servizi was handed over and was accurately explained to residents in the context of their admission procedure. Further, information leaflets and Carte dei Servizi at both RSAs were being updated in order to reflect the changes brought about by the pandemic situation.
9. Other issues
272. As part of their obligation towards the implementation of the UNCRPD, the Italian authorities were, at the time of the CPT’s visit, in the process of drafting secondary legislation to the 2021 Framework Law on Disability. In this context, a thematic working group on anti-segregation issues169 had formulated a series of proposals to offer elderly persons with limited autonomy the possibility to choose on an equal basis with others their place of residence without being de facto compelled to a particular living arrangement. The proposal in question concerned both the modus operandi of the social services, proposing to elderly persons with limited autonomy, based on an individual project of life, viable alternatives to placement in a residential facility170 as well as the existence of adequate financial resources for the implementation of such projects. Further, the working group had also recommended the revision of a national data collection system to monitor the application of Articles 14 and 19 of the UNCRPD as well as a radical revision of the criteria for the accreditation of social care homes and, consequently, their monitoring at the national and regional levels.171
In this respect, the delegation took positive note of the fact that both RSAs were operating open RSA projects (RSA aperte), providing caregiving and socio-sanitary assistance to elderly persons with limited autonomy in their homes as an alternative to their institutional placement.
273. The Committee welcomes the operation of the “RSA aperte” and would like to receive information on the general de-institutionalisation efforts being undertaken by the regional authorities of Lombardy and the Italian authorities more generally in the context of the implementation of the 2021 Framework Disability Law.
Further, the Committee would like to receive information on progress towards the adoption of the implementing legislation of the Framework Law on Disability and in particular the working group on anti-segregation issues. »
EN DROIT
SUR LA QUALITÉ POUR AGIR DU PREMIER REQUÉRANT POUR INTRODUIRE LA REQUÊTE AU NOM DU DEUXIÈME REQUÉRANT
Thèse des parties
60. Le Gouvernement considère que le premier requérant n’a pas qualité pour agir devant la Cour au nom du deuxième requérant faute pour lui d’avoir produit un pouvoir écrit dûment signé par l’intéressé. Il se prévaut à cet égard de la jurisprudence de la Cour selon laquelle il est essentiel pour le représentant de démontrer qu’il a reçu des instructions précises et explicites de la part de la victime alléguée, au sens de l’article 34 de la Convention, au nom de laquelle il entend agir devant la Cour.
61. En outre, ayant égard au fait que des requêtes introduites par des particuliers au nom de la ou des victimes alléguées ont parfois été déclarées recevables par la Cour alors même qu’aucun type de pouvoir valable n’avait été présenté, il soutient que dans le cas d’espèce, la réalité d’un lien affectif existant entre le premier et le deuxième requérant n’a pas été prouvée. À cet égard, il affirme que le premier requérant ne rendait pas visite à son cousin avant son placement en maison de retraite médicalisée et qu’il s’est intéressé à lui seulement après la diffusion de l’émission « Le Iene ».
62. Le premier requérant rétorque que la Cour admet dans des cas exceptionnels que l’on puisse agir au nom et pour le compte d’un proche qui est victime directe des violations alléguées de la Convention et, soulignant qu’en l’espèce son cousin était placé dans une maison de retraite médicalisée depuis trois ans et qu’il était dans l’incapacité de communiquer librement avec l’extérieur sans l’autorisation de son administrateur de soutien et du juge des tutelles, il argue que le deuxième requérant n’était pas en mesure de saisir la Cour dès lors que seul l’administrateur de soutien avait le pouvoir de le faire.
63. Quant à la réalité du lien affectif, il estime qu’elle est prouvée par le contenu de la lettre que le deuxième requérant lui a adressée.
Appréciation de la Cour
64. La Cour note qu’en droit interne, la mise sous protection juridique d’une personne dans le cadre d’une administration de soutien empêche l’intéressée de contracter ou d’ester en justice, puisque selon l’article 374 du code civil, auquel l’article 411 se réfère (paragraphe 48, ci-dessus), l’administrateur ne peut engager de procédures judiciaires sans autorisation du juge des tutelles. La mesure de protection en cause sert donc, entre autres, à prémunir les personnes concernées de toute aliénation de leurs droits ou de leurs biens à leur détriment.
65. La Cour souligne que les conditions régissant les requêtes individuelles qui lui sont soumises ne coïncident pas nécessairement avec les critères nationaux relatifs à la qualité pour ester. En effet, les règles internes en la matière peuvent servir des fins différentes de celles de l’article 34 de la Convention. S’il y a parfois analogie entre les buts respectifs, il n’en va pas forcément toujours ainsi (Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 139, CEDH 2000-VIII).
66. La Cour rappelle qu’un tiers peut, dans des circonstances exceptionnelles, agir au nom et pour le compte d’une personne vulnérable s’il existe un risque que les droits de la victime directe soient privés d’une protection effective et à condition que l’auteur de la requête et la victime ne se trouvent pas dans une situation de conflits d’intérêts (Lambert et autres c. France ([GC], no 46043/14, § 102, CEDH 2015 (extraits)).
67. En outre, comme la Cour l’a déjà énoncé, si la requête n’est pas introduite par la victime elle-même, l’article 45 § 3 du règlement impose de produire un pouvoir écrit dûment signé (Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], no 27765/09, §§ 52 et 53, CEDH 2012). Il est en effet essentiel pour le représentant de démontrer qu’il a reçu des instructions précises et explicites de la part de la victime alléguée au nom de laquelle il entend agir devant la Cour. Cependant, la Cour a considéré que des requêtes introduites par des particuliers au nom d’une ou plusieurs victimes alléguées de violations des articles 2, 3 et 8 de la Convention imputées aux autorités nationales peuvent être déclarées recevables en dépit de l’absence de présentation d’un pouvoir valable ; dans pareilles situations, une attention particulière est accordée, d’une part, aux facteurs de vulnérabilité, tels que l’âge, le sexe ou le handicap, propres à empêcher certaines victimes de soumettre leur cause à la Cour et, d’autre part, aux liens entre la victime et la personne auteure de la requête (Lambert et autres, précité, §§ 91 et 92 ; voir aussi Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie [GC], no 47848/08, §§ 102 et 103, CEDH 2014).
68. En l’espèce, faisant application des critères énoncés dans l’arrêt Lambert (précité), la Cour note que le deuxième requérant se trouvait dans une situation qui ne lui permettait pas de présenter directement la requête devant la Cour, l’administrateur de soutien disposant à son égard d’un pouvoir de substitution, et le grief principal portant de surcroît sur les restrictions que celui-ci lui avait imposées avec l’aval du juge des tutelles. Le risque que le deuxième requérant soit privé d’une protection effective quant aux droits qu’il tire de la Convention est donc avéré dans les circonstances de l’espèce (mutatis mutandis Blyudik c. Russie, no 46401/08, §§ 41-44, 25 juin 2019 et à contrario (Vivian c. Italie (déc.), no 32264/96, 26 février 2002). La Cour relève par ailleurs une contradiction évidente entre, d’une part, les positions prises par l’administrateur et les juridictions internes relativement aux questions faisant l’objet de la présente requête et, d’autre part, les arguments avancés à l’appui de ladite requête, selon lesquels les décisions de placement du deuxième requérant sous mesure de protection et en maison de retraite médicalisée seraient contraires à la Convention. Elle constate en outre une absence de conflit d’intérêts entre le premier requérant et le deuxième requérant quant à l’objet du recours lui-même.
69. La Cour observe enfin que la présente affaire soulève, sous l’angle des articles 5 et 8 de la Convention, des questions graves relativement aux conditions de vie des personnes âgées dans les maisons de retraite, qui revêtent un caractère d’intérêt général étant donné la vulnérabilité des personnes résidant dans de telles institutions. La poursuite de l’examen de la présente affaire offre ainsi l’occasion de clarifier les normes conventionnelles de protection applicables à ces personnes et permet de contribuer à la sauvegarde ou au développement desdites normes.
70. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime qu’il existe en l’espèce des circonstances exceptionnelles permettant de reconnaître au premier requérant la qualité pour agir devant elle en tant que représentant de son cousin pour autant que les griefs portent sur les articles 5 et 8 de la Convention. En conséquence, l’exception du Gouvernement relative à une absence de qualité pour agir du premier requérant doit être rejetée.
SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
71. Le premier requérant se plaint de l’impossibilité d’établir des contacts avec le deuxième requérant et des décisions du juges des tutelles. Le deuxième requérant se plaint du placement en maison de retraite médicalisée dont il fait l’objet depuis 2020 ainsi que de l’impossibilité dans laquelle il se trouve, d’une part, de retourner à son domicile et, d’autre part, de recevoir des visites dans l’établissement où il réside sans le consentement de l’administrateur de soutien et du juge des tutelles. Il y voit une atteinte à son droit à la vie privée.
72. Lors de la communication de la requête au Gouvernement, la Cour a posé aux parties des questions portant également sur l’article 5 de la Convention.
73. La Cour rappelle qu’elle peut décider de la qualification juridique à attribuer aux faits donnant lieu aux griefs formulés en examinant ceux-ci sur le terrain d’autres dispositions de la Convention que celles invoquées par le deuxième requérant (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 126, 20 mars 2018). Eu égard à la nature des griefs exposés par l’intéressé, la Cour estime que les questions soulevées en l’espèce doivent être examinées sous le seul angle de l’article 8 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Sur la recevabilité
74. Le Gouvernement soutient que le premier requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes, expliquant qu’il n’a pas utilisé la voie d’appel prévue à l’article 720 bis, alinéa 2, du code de procédure civile contre la décision du juge des tutelles portant rejet de sa demande de rencontre avec le deuxième requérant.
75. Le premier requérant n’a pas présenté d’observations sur ce point.
76. À l’instar du Gouvernement, la Cour considère que l’exercice dudit recours aurait pu conduire à une infirmation de la décision du juge des tutelles de ne pas autoriser la visite sollicitée. Il s’ensuit que le premier requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes disponibles. Dans ces conditions, la Cour conclut que la requête doit être rejetée comme étant irrecevable en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention en ce qui concerne les griefs soulevés par le premier requérant en son propre nom.
77. Constatant que les griefs soulevés au nom de C.G. ne sont pas mal fondés ni irrecevables pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour les déclare recevables. Pour des raisons d’ordre pratique, le présent arrêt continuera d’utiliser le terme « deuxième requérant » pour le désigner.
Sur le fond
Thèses des parties
78. Le deuxième requérant estime que la décision du juge des tutelles et de l’administrateur de soutien de refuser qu’il ait des contacts avec le premier requérant et avec ses proches constituait une interférence illégitime dans son droit au respect de sa vie privée et familiale.
79. Il indique qu’il n’a pas expressément affirmé ne pas vouloir rencontrer sa famille et explique qu’il a fait savoir qu’il souhaitait rencontrer le premier requérant et la sœur de celui-ci à son retour à son domicile car le placement en maison de retraite médicalisée lui avait été présenté comme une mesure temporaire qui devait prendre fin rapidement.
80. Il soutient que la diffusion de l’enregistrement de l’appel téléphonique était une mesure nécessaire, les responsables de la maison de retraite médicalisée ayant selon lui nié son placement dans leur établissement, et qu’elle était justifiée par l’attitude de son administrateur de soutien et de l’administration de la maison de retraite médicalisée consistant à essayer de l’éloigner de sa famille. À cet égard, il argue que le juge des tutelles a également rejeté la dernière demande formée par le premier requérant, alors même que celui-ci s’était engagé à signer un accord de confidentialité avant la visite.
81. Quant à son placement en maison de retraite médicalisée, le deuxième requérant rappelle avoir exprimé à plusieurs reprise sa volonté de rentrer chez lui. Il affirme que le Garant national, qui est venu le rencontrer plusieurs fois, a tenu compte de son souhait en demandant aux autorités de prendre une série de mesures alternatives.
82. Le Gouvernement expose que la décision initiale du juge des tutelles était fondée sur un refus opposé par le deuxième requérant et que le second rejet était justifié par le fait que le premier requérant avait autorisé la diffusion de l’enregistrement.
83. Pour ce qui concerne la décision de placer le deuxième requérant en maison de retraite médicalisée, le Gouvernent argue que pareille mesure était la seule solution à même de sauvegarder les intérêts patrimoniaux et personnels de l’intéressé au vu des circonstances. Selon le Gouvernement, l’ingérence des autorités est dès lors demeurée dans les limites de la marge d’appréciation dont elles disposaient.
Appréciation de la Cour
a) Ingérence, légalité et but légitime
84. La Cour rappelle que la décision de placer une personne sous une mesure de protection juridique peut constituer une ingérence dans la vie privée de la personne concernée, même lorsque celle-ci n’a été que partiellement privée de sa capacité juridique (Ivinovic c. Croatie, no 13006/13, § 35, 18 septembre 2014). Elle estime donc que la mesure adoptée à l’égard du deuxième requérant s’analyse en une ingérence au sens de l’article 8 de la Convention.
85. La Cour rappelle qu’une atteinte au droit d’un individu au respect de sa vie privée méconnaît l’article 8 si elle n’est pas « prévue par la loi », ne poursuit pas un ou des buts légitimes visés par le paragraphe 2, ou n’est pas « nécessaire dans une société démocratique » en ce sens qu’elle n’est pas proportionnée aux objectifs poursuivis (voir, parmi d’autres, Chtoukatourov c. Russie, no 44009/05, § 85, CEDH 2008 précité).
86. En l’espèce, le deuxième requérant a été placé sous le régime de l’administration de soutien prévue par les articles 404 et 411 du code civil (paragraphe 44 ci-dessus).
87. La Cour considère que l’ingérence poursuivait le « but légitime », au sens du deuxième paragraphe de l’article 8 de la Convention, de la protection du deuxième requérant contre, dans un premier temps, un danger d’impécuniosité et, à partir de 2020, un affaiblissement d’ordre physique et mental.
b) Proportionnalité
88. La Cour rappelle que priver une personne de sa capacité juridique, même partiellement, est une mesure très grave qui devrait être réservée à des circonstances exceptionnelles (Ivinovic, précité, § 38). Une marge d’appréciation doit cependant inévitablement être laissée aux autorités nationales qui, en raison de leur contact direct et continu avec les forces vives de leur pays, sont en principe mieux placées qu’une juridiction internationale pour évaluer les besoins et les conditions locales (Maurice c. France [GC], no 11810/03, § 117, CEDH 2005 IX). Cette marge variera en fonction de la nature du droit de la Convention en cause, de son importance pour l’individu et de la nature des activités restreintes, ainsi que de la nature du but poursuivi par les restrictions. La marge aura tendance à être plus étroite lorsque le droit en jeu est crucial pour la jouissance effective par l’individu de droits intimes ou essentiels (A.-M.V. c. Finlande, no 53251/13, § 83, 23 mars 2017).
89. Les garanties procédurales dont dispose l’individu seront particulièrement importantes pour déterminer si l’État défendeur est resté dans les limites de sa marge d’appréciation. En particulier, la Cour doit examiner si le processus décisionnel conduisant aux mesures d’ingérence a été équitable et de nature à assurer le respect des intérêts garantis à l’individu par l’article 8 (ibidem, § 84, et les références y citées).
90. En l’espèce, il y a lieu de constater que la décision de placer le deuxième requérant sous administration de soutien et donc, le cas échéant, de le priver en partie de sa capacité juridique ne reposait pas sur un constat d’altération de ses facultés mentales qui aurait été établi par des médecins (voir, a contrario, Ivinovic, précité), mais sur une prodigalité excessive et sur l’affaiblissement physique et psychique dont il a fait preuve à partir de 2020.
91. Dans ces conditions, la Cour estime qu’il lui appartient de vérifier avec davantage d’attention si les juges nationaux ont soigneusement pesé tous les facteurs pertinents avant de prendre les décisions de le soumettre à ladite mesure de protection juridique et de le faire admettre en maison de retraite médicalisée en limitant les contacts avec l’extérieur.
92. La Cour note qu’en droit italien, lorsqu’un administrateur de soutien est désigné, la personne protégée conserve une capacité d’exercice pour tous les actes autres que ceux pour lesquels le juge a octroyé compétence à l’administrateur pour se substituer à elle ou pour l’assister. L’étendue des pouvoirs de l’administrateur dépend par ailleurs de la situation du bénéficiaire de la mesure, lequel ne peut en aucun cas être totalement privé de sa capacité d’exercice.
93. Dans le cas d’espèce, la Cour relève qu’à partir de mai 2020, l’administrateur de soutien disposait d’un mandat exclusif qui lui a permis de solliciter du juge, en octobre 2020, l’autorisation de procéder au placement du deuxième requérant en maison de retraite médicalisée. La décision du juge des tutelles d’accorder ladite autorisation était fondée sur le fait que le deuxième requérant ne maîtrisait pas les conséquences de sa prodigalité, qu’il était atteint d’un trouble de la personnalité obsessionnel-compulsif accompagné d’aspects dépressifs, qu’il vivait dans des conditions de pauvreté et qu’il négligeait son hygiène.
94. La Cour note qu’à la suite de l’intégration par le deuxième requérant de l’établissement en 2020, un régime strict d’isolement a été décidé par l’administrateur de soutien alors même que l’intéressé demandait à pouvoir retourner chez lui. Celui-ci a ainsi été privé, hormis quelques exceptions, de tout contact avec l’extérieur et toute demande d’entretien téléphonique ou de visite donnait lieu à un filtrage de la part de l’administrateur de soutien ou du juge des tutelles. De plus, bien que des experts aient préconisé dès 2021 un retour progressif à son domicile (paragraphe 40, ci-dessus), cette mesure n’a jamais été mise en place.
95. La Cour observe que le Garant national est également intervenu à ce sujet en dénonçant l’isolement auquel le deuxième requérant était soumis et en demandant (voir paragraphe 36 ci-dessus), en vain, au parquet d’exercer ses prérogatives pour y mettre fin.
96. La Cour rappelle avoir considéré, sous l’angle de l’article 5 de la Convention, que dans certaines circonstances le bien-être d’une personne atteinte de troubles mentaux pouvait constituer un facteur additionnel à prendre en compte, en sus des éléments médicaux, lors de l’évaluation de la nécessité de placer cette personne dans une institution. Néanmoins, le besoin objectif d’un logement et d’une assistance sociale ne doit pas conduire automatiquement à l’imposition de mesures privatives de liberté. Aux yeux de la Cour, toute mesure de protection adoptée à l’égard d’une personne capable d’exprimer sa volonté doit autant que possible refléter ses souhaits. Les sources internationales confirment cette approche (voir paragraphes 51-53 ci-dessus).
97. La Cour rappelle également que lorsque sont en jeu des implications aussi importantes sur la vie privée d’un individu, le juge doit soigneusement mettre en balance tous les facteurs pertinents afin d’évaluer la proportionnalité de la mesure à prendre. Les garanties procédurales nécessaires en la matière commandent que tout risque d’arbitraire soit réduit au minimum (X et Y c. Croatie, no 5193/09, § 85, 3 novembre 2011).
98. Tenant compte de l’impact que la mise sous protection juridique du deuxième requérant a eu sur sa vie privée, la Cour observe que si les autorités judiciaires se sont livrées à une évaluation approfondie de la situation de l’intéressé avant de procéder à son placement en maison de retraite médicalisée, elles n’ont pas cherché au cours de celui-ci, eu égard à la vulnérabilité particulière qu’elles estimaient avoir identifiée, à prendre des mesures en vue du maintien de ses relations sociales et à mettre en place un parcours propre à favoriser son retour à son domicile.
99. Au contraire, à la suite de son placement en maison de retraite médicalisée, le deuxième requérant s’est vu imposer un isolement du monde extérieur, et en particulier de sa famille et de ses amis – comme l’a également relevé le Garant national (paragraphe 35, ci-dessus). Toutes les visites et tous les appels téléphoniques étaient filtrés par son administrateur ou par le juge des tutelles, l’une des rares personnes autorisées à le voir pendant ces trois ans étant le maire de la ville où il résidait. La Cour note que ce filtrage a été mis en place dès son arrivée dans l’établissement, soit avant la diffusion sur les chaines nationales de l’émission « Le Iene ». Par la suite, le juge des tutelles s’est basé sur les seuls rapports présentés par l’administrateur de soutien, n’estimant pas devoir auditionner le deuxième requérant, et il a refusé les demandes de contacts présentées par le premier requérant, se ralliant à l’avis négatif de l’administrateur.
100. La Cour relève également qu’en juin 2022 une personne a été condamné à un an et dix mois de réclusion pour violation de domicile pour s’être introduite dans la maison de retraite médicalisée et y avoir rencontré le deuxième requérant sans le consentement de l’administrateur de soutien.
101. À cet égard, la Cour observe que le Gouvernement n’a fourni aucune explication quant à la nécessité de soumettre toute rencontre à l’autorisation de l’administrateur ou du juge des tutelles et d’isoler l’intéressé de ses proches pendant une aussi longue période. La Cour est d’avis que la décision de restriction de contacts en question n’a pas été prise sur la base d’un examen concret et attentif de tous les aspects pertinents de la situation particulière du deuxième requérant, et elle rappelle, sur ce point, que les experts s’étaient prononcés en faveur de sorties de l’intéressé dans des lieux d’agrément (paragraphe 40, ci-dessus).
102. En outre, la Cour note qu’aucune mesure visant à la réintégration par l’intéressé de son domicile ne semble avoir été envisagée au cours des trois années écoulées, alors même que le placement avait été décidé à titre provisoire. La Cour accorde une importance particulière au fait que le deuxième requérant n’a pas été déclaré incapable et qu’il n’a fait l’objet d’aucune interdiction, les expertises ayant indiqué, tout au contraire, qu’il avait une bonne capacité de socialisation. Elle constate qu’en dépit de ces éléments, il s’est trouvé placé sous l’entière dépendance de son administrateur dans presque tous les domaines et sans limite de durée. Elle relève avec préoccupation que dans le cas d’espèce, les autorités ont, en pratique, abusé de la flexibilité de l’administration de soutien pour poursuivre des finalités que la loi italienne assigne, avec des limites strictes, à la T.S.O. (paragraphe 49, ci-dessus), l’encadrement législatif de celle-ci ayant donc été contourné par un recours abusif à l’administration de soutien.
103. La Cour rappelle que dans le rapport qu’il a publié à la suite de sa visite en Italie en mars et avril 2022, le CPT a exprimé des inquiétudes concernant les maisons de retraite médicalisées, estimant que compte tenu des restrictions associées à la Covid-19 (en particulier, la privation d’accès à l’air libre et la réduction des activités de réadaptation et de loisirs et des visites familiales) et de l’absence d’alternatives viables en société, les résidents des deux maisons de retraite médicalisées dans lesquelles il s’était rendu pouvaient être considérés comme étant de fait privés de leur liberté. Le CPT a relevé en particulier que les restrictions qui avaient été mises en place de manière continue à partir de février 2020 dans les deux établissements visités avaient eu un effet préjudiciable croissant sur la santé mentale et somatique des résidents.
104. La Cour a pleinement conscience de la difficulté que représente pour les autorités internes la nécessité de parvenir à concilier, dans des circonstances données, le respect de la dignité et de l’autodétermination de l’individu avec l’exigence de protection et de sauvegarde des intérêts de celui-ci, en particulier dans les cas où l’intéressé, de par ses aptitudes ou sa situation individuelle, est dans un état de grande vulnérabilité. La Cour estime qu’un juste équilibre n’a pas été trouvé en l’espèce. Elle constate qu’il n’existait pas, dans la procédure interne, de garanties effectives propres à prévenir les abus, comme l’exigent les normes du droit international relatif aux droits de l’homme, qui auraient été à même d’assurer dans le cas d’espèce que les droits, la volonté et les préférences du deuxième requérant fussent pris en compte. Celui-ci n’a pas été associé aux décisions qui ont été prises aux différents stades de la procédure (voir, a contrario, M.K. c. Luxembourg, no 51746/18, § 66, 18 mai 2021), il n’a été entendu en personne qu’une seule fois au cours de son placement, il a été soumis à des restrictions concernant les contacts avec ses proches et toutes les décisions le concernant ont été prises par l’administrateur de soutien.
105. À cet égard, la Cour rappelle que le CPT a préconisé des visites régulières par les juges des tutelles des tribunaux territoriaux compétents aux résidents de maison de retraite médicalisée placés sous mesure d’administration de soutien (paragraphe 49 ci-dessus).
106. La Cour relève également que le CDPH a constaté avec inquiétude que la prise de décision substitutive continuait d’être pratiquée dans le cadre de l’administration de soutien (paragraphe 48 ci-dessus). Il a notamment recommandé aux autorités d’abroger toutes les lois autorisant ce type de prise de décisions par des tuteurs légaux et d’adopter et appliquer des dispositifs d’aide à la prise de décision, y compris à travers la formation des professionnels de la justice, de la santé et des services sociaux.
107. La Cour partage les inquiétudes du CDPH concernant la détention – dont il préconise l’interdiction – de personnes à raison de leur handicap, à laquelle il assimile l’hospitalisation et/ou le traitement sans consentement. À cet égard, tenant compte également des constats du CPT et de la jurisprudence de la Charte sociale européenne (paragraphes 50-59, ci-dessus), elle est d’avis que les États sont tenus de favoriser la participation des personnes handicapées ou des personnes âgées « dépendantes » à la vie de la communauté et de prévenir leur isolement ou une ségrégation à leur endroit.
108. La Cour conclut que dans le cas d’espèce, si l’ingérence poursuivait le but légitime de protéger le bien-être au sens large du deuxième requérant, elle n’était toutefois, au regard de l’éventail des mesures que les autorités pouvaient prendre, ni proportionnée ni adaptée à sa situation individuelle. Dès lors, l’ingérence n’est pas demeurée dans les limites de la marge d’appréciation dont les autorités judiciaires jouissaient en l’espèce.
109. Dans ces circonstances, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.
SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
110. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
111. Le deuxième requérant n’a pas présenté de demande au titre de la satisfaction équitable. En conséquence, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
Déclare irrecevables les griefs introduits par le premier requérant et recevables les griefs introduits par le deuxième requérant ;
Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention dans le chef du deuxième requérant ;
Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 juillet 2023, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Renata Degener Marko Bošnjak
Greffière Président